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Dominique PARAVEL

Alice, disparue


Aude se souvient de l’année qu’elle a passée à Venise, quarante ans auparavant. Elle était venue à Venise parce que son amie Alice le lui avait demandé.

Les deux jeunes filles étaient amies depuis l’enfance. Aude, issue d’une famille aisée réussit mieux à l’école. Le père d’Alice et de ses trois frères est italien, il est ouvrier maçon. Alice a un caractère bien trempé et très tôt se passionne pour la politique : « Elle lit Marx et Bakounine, elle prend la tête de la grève contre la loi Debré qui supprime les sursis militaires pour les étudiants. » Elle soutient les ouvriers de l’usine Lip de Besançon.
Aude, admise en classe préparatoire pour entrer dans une école élitiste est sujette à l’angoisse de mort.  « Je deviens une funambule de la dialectique, une terroriste de l’analyse, […] j’entre en concours comme en religion, je vais tuer la mort. » La folie qui travaille Aude s’aggrave. Un jour les digues ont cédé, souffle coupé, entrailles nouées, Aude ne peut plus parler. Elle rend les armes, « quitte son avenir pour partager avec Alice le présent pur de Venise ».

La Venise qu’Aude va fréquenter n’est pas celle des guides touristiques. C’est Venise en hiver, froide, humide et glauque.  C’est le « revers obscur de Venise ». Mais malgré la faim et le froid, « Venise est belle à hurler ».
Aude et Alice vivent dans le Palais Zen, un bâtiment vétuste et délaissé, avec huit autres étudiants des Beaux Arts, venus des quatre coins du monde. Très vite Aude tombe amoureuse de Venise, « elle aime sa voix, sa peau, ses entrailles ».
Les descriptions que l’autrice nous livre de Venise sont d’une étrange beauté, riches en odeurs et sensations fortes. « Ça sent la fange et le sel, l’obscurité du ventre, le remugle fécond de la vie ». La ville entière est contenue dans son odeur, « les marais, les roseaux, les pieux invisibles, la brique et le marbre, le coquillage précieux serti dans la boue lagunaire. »

« Jour après jour je me perds dans son dédale, je déplie les chemins au hasard, je vais d’image en image. L’eau verdâtre creusée par le sillage des bateaux. Les mouettes arrogantes perchées sur les pieux cerclés de rouge. Le doux marbre usé des parapets. Les lions en perruque, bas du cul, qui traînent des ailes de pélican. Un pigeon descendant les marches d’un pont, mal assuré sur des pattes rongées par l’eau ou les rats ».

Isidore, un des étudiants du Palais Zen qui ne cache pas son homosexualité, guide Aude dans les salles du musée de l’Académie. « Vierges à l’enfant, Conversations sacrées, Crucifixions, Descentes de croix, Miracles en tout genre.
Tapettes en justaucorps, mignons en jupettes, Vierges lubriques, saintes lascives, commente Isidore. Un vrai bordel, ce musée ».

Tandis qu’Aude découvre Venise, Alice et ses amis artistes créent des installations, des performances révolutionnaires anticapitalistes sur les places, devant les processions religieuses ou dans les usines. Elle cherche à conjuguer ses deux aspirations, politique et esthétique. Nous sommes dans les années 1976-77, où des mouvements contestataires et créatifs comme « l’autonomie ouvrière » côtoient des mouvements plus violents qui sont passés à la lutte armée. Quand Alice disparaît brutalement sans laisser de message, ses amis ne savent pas si elle est morte ou si elle devait se cacher après une action violente.
Cette incertitude tourmente Aude pendant quarante ans et la pousse à mener l’enquête, à retrouver ses anciens amis, à consulter un détective et à dénouer les fils du passé. Ce sont ces retrouvailles dont il est question dans ce roman où les chapitres du présent lyonnais et du passé vénitien s’entrecroisent habilement.
Une visite originale et envoûtante à ne pas manquer.

Nadine Dutier 
(25/05/21)    



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Lectures







Dominique PARAVEL, Alice, disparue
Serge Safran

(Février 2021)
254 pages - 17,90 €









Dominique Paravel,
a vécu son enfance à Lyon, et plus de vingt ans à Venise. Alice, disparue est son 4e livre de fiction.






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