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Sandrine BEAU

Le jour où je suis mort
et les suivants

Ce roman alterne quatre voix, quatre récits qui se croisent, de garçons qui ont subi des violences sexuelles dans leur enfance.

Lenny, Saphir et Biscotte arrivent dans le même lycée et ne se connaissent pas mais leurs histoires ont pourtant un douloureux point commun.
Esteban, trente-cinq ans, sportif et baraqué, a lui aussi été violé pendant plusieurs années. Mais maintenant, après avoir été écouté, il est prêt à en parler.

Lenny, à la première personne, nous raconte son envie de mourir entre neuf et quatorze ans et les trois fois où il a essayé de faire que tout s’arrête. Tout a commencé à la naissance de ses sœurs jumelles. Il avait huit ans et la vie de la famille a été bouleversée par l’arrivée des deux bébés. Heureusement Gilbert, un ami de son père, s’est proposé pour l’aider dans divers travaux de bricolage. Devenu un familier de la maison, Gilbert a aussi proposé de s’occuper de Lenny, l’emmener en balade sur son bateau… « À compter de cet abominable week-end en mer, tout s’est accéléré. J’avais l’impression d’être pris dans un engrenage infernal dont je ne pouvais plus sortir. »

Saphir, lui, a découvert à la piscine le plaisir de nager au point de développer des qualités qui l’ont fait repérer par un entraîneur exceptionnel. « César Carret avait la réputation de ne pas être un tendre, mais il était aussi celui qui avait entraîné les meilleurs nageurs français. Certains de ses poulains étaient même revenus des derniers J.O. avec une médaille autour du cou. Une fois ces infos recueillies, Saphir n'avait plus eu qu'une seule chose en tête : être entraîné par Magic César, tel que l'avait surnommé le journaliste. » Cette partie montre très bien comment s’exerce l’emprise d’un adulte à la fois craint et admiré sur le corps et l’esprit d’un enfant.

Biscotte est devenu violent. Il a la rage. Il a besoin de courir dans la colline, choisir un arbre et taper à coups de poings et de pieds. Et hurler. « Un cri qu'il ne peut jamais retenir, même s'il lui fait un peu peur, tant il est rauque, presque bestial, et semble sortir d'on ne sait quelle profondeur. » Mais un jour il décide d’essayer un autre moyen pour évacuer la souffrance : « Un cahier. Un cahier pour cracher tout ce qui l'empêche de vivre normalement comme les autres, tout ce qui l'épuise, le ronge, le consume à petit feu. Un cahier pour recommencer peut-être à respirer. » Pas pour oublier mais pour expulser, évacuer la douleur de cette soirée qui a mal tourné avec ces gars plus âgés, qui lui ont paru sympa jusqu’à ce que tout dégénère.

En alternance avec ces trois lycéens, il y a Esteban, 1m98 et cent vingt kilos, qui se prépare pour une rencontre importante. Lui aussi a subi la convoitise et la perversité d’un adulte. Il a essayé d’en parler, même à une psychologue, mais n’a pas été écouté. Les années ont passé. Maintenant, il est marié et leur fils a onze ans. Onze ans, l’âge où… Pas question que son fils subisse… Cette idée le rend malade et il consulte. Une psy victimologue, cette fois-ci, et enfin il est entendu. Tout bascule à nouveau dans sa vie. La plainte, le procès, la création d’une association et les interventions dans les lycées comme celle à laquelle il se prépare au fil des chapitres.

Le roman est positif et salutaire en alternant des cas différents et en montrant que des recours existent, qu’une prévention est possible, pour empêcher le silence de ronger les victimes et d’exacerber leur rage, pour éviter l’incrédulité des proches (Ce n’est pas possible, pas lui !), la culpabilité (Pourquoi tu t’es laissé faire ?), la minoration (Après toutes ces années, tu crois vraiment que ça vaut le coup de foutre sa vie en l’air ? Tu ne peux pas tourner la page ?)…

La dernière scène se déroule dans le CDI du lycée et ce roman devrait trouver sa place dans tous les CDI et toutes les bibliothèques.
Beaucoup de jeunes lecteurs comprendront qu’ils ne sont pas seuls et que face aux actes dérangeants d’un adulte, même sympathique, familier ou autoritaire, il ne faut surtout pas accepter la soumission, le secret et le silence.

Le livre se termine sur des pages d’aides et de conseils avec des adresses d’associations et les moyens de les contacter discrètement par téléphone ou par internet. Un outil précieux.

Serge Cabrol 
(08/11/21)    



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Jeunesse






Brigitte SMADJA, Le jour où tout a failli basculer
Alice Jeunesse

168 pages - 12 €

La collection Tertio
aborde des thématiques
fortes pour les ados
de 14 à 16 ans.




















Sandrine Beau
a publié plus de quatre-vingts ouvrages pour la jeunesse et reçu une vingtaine de prix littéraires.


Bio-bibliographie
sur le site de la
Maison des Écrivains
et de la Littérature