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Marie-Claude AKIBA EGRY


L’enfant qui se taisait


Ce récit alterne entre 1962 où le père de Marie-Claude Akiba Egry vient d’être enlevé et assassiné en Algérie et 1982 lors de son voyage avec son mari dans le village où son père a disparu, Reibell, aux portes du désert.

« Mon père était un homme de là-bas. Autant que ses amis. Autant que Mokhtar. Autant que son frère de lait. Il est reparti à Reibell parce que Reibell était son village. C'était un homme qui avait de la force et se croyait invincible. Il écrit cependant sa fatigue dans ses dernières lettres à ma mère. Sa tristesse. Son désenchantement. Il ne veut pas croire que c'est la guerre. Il espère une issue, une solution. Il voit que le monde est en train de changer, mais il ne veut pas faillir, "à aucun prix", écrit-il. Tout doit continuer comme avant. »

Nous suivons le parcours très douloureux de la mère de Marie-Claude Akiba Egry qui cherche désespérément des informations sur la disparition de son mari avec l’espoir des mois durant que celui-ci est toujours en vie. Elle a écrit de très nombreux courriers. Les réponses étaient parfois évasives, parfois condescendantes, parfois directes ou niant tout enlèvement : « Un nouveau sous-préfet avait été nommé à Reibell. C'était le chef du Front de libération nationale de la région. L'homme du pouvoir de l'Algérie indépendante. J'ai retrouvé plusieurs de ses lettres dans la correspondance de ma mère. Les mois qui avaient suivi l'enlèvement, il avait mené une enquête. Il écrit à ma mère : "Personne n'a entendu parler de l'enlèvement au village." Il a interrogé les hommes de l'Armée de libération nationale. Aucun n'a eu connaissance d'une action d'enlèvement ou d'une quelconque exaction à l'encontre de mon père. Les hommes armés n'avaient pas parlé. Le sous-préfet était le gardien de leur silence. Un silence plus cruel que la vérité. »
Des amis s’engageaient à l’aider mais rien n’était facile. 

La période très complexe de la situation en Algérie est bien présentée avec les témoignages de l’époque retrouvés dans des archives et les témoignages de plusieurs personnes rencontrées en 1982 période où les stigmates de la guerre existaient encore.  Cette disparition était encore un sujet tabou. « L’assassinat de mon père était le signe du déchirement de l’Histoire. »

Les périodes du passé en italiques s’intercalent avec les recherches des témoignages de 1982. Tout au long de son enfance, Marie-Claude Akiba Egry croisait le regard de son père sur les photos et sa disparation l’a hantée.

Ce récit donne le point de vue d’une famille touchée par une disparition ce qui a été le cas de beaucoup familles en cette période trouble et de grande complexité pendant laquelle de nombreuses exécutions et disparitions ont eu lieu. Émouvant et historique, ce texte révèle les moments dramatiques et confus des périodes de conflits et de guerres.

Brigitte Aubonnet 
(12/01/22)   



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Marie-Claude  AKIBA EGRY, L’enfant qui se taisait
Gallimard

(Octobre 2021)
208 pages - 18 €

Version numérique
12,99 €








Marie-Claude
Akiba Egry