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Maria avait deux enfants, Les deux garçons de Maria (Jean-Claude Massoulier / Jean Ferrat) Dans ce roman, la mère ne s’appelle pas Maria mais Nassira et nous ne sommes pas en Espagne mais en Algérie en 1996, quand la guerre civile a opposé pendant dix ans le gouvernement algérien à des groupes islamistes comme l'Armée islamique du salut (AIS) ou le Groupe islamique armé (GIA). Mais, comme dans la chanson, il s’agit, ici aussi, de deux frères qui choisissent des voies opposées pendant un conflit. Et l’autrice montre bien ce qui pousse chacun à suivre un chemin différent malgré une origine commune. Nassira n’a pas eu de chance Son mari est mort trois ans après leur mariage la laissant avec un tout jeune enfant et enceinte du deuxième. Déterminée et dure à l’effort, acceptant tous les travaux, de couture ou autres, elle a réussi à élever ses deux garçons dans son petit village de Kabylie. Ce qui l’inquiète tout de même parfois, c’est de voir à quel point ses deux fils sont différents et se sont éloignés l’un de l’autre. Elle n’a pas conscience d’avoir participé à ce phénomène en s’appuyant sur l’aîné pour élever le second, en laissant se développer chez Selim une profonde jalousie envers son frère. « On n'avait jamais parlé de lui autrement qu'en comparaison avec son frère. Il était le plus turbulent des deux, le plus capricieux, le plus tête en l'air, le plus teigneux aussi. On ne disait pas les deux frères, on disait Hassan et son frère, comme si l'aîné traînait un boulet derrière lui. » Autant Hassan a trouvé une oreille attentive et une figure paternelle auprès de l’instituteur du village, autant Sélim s’est laissé consoler par le maître de l’école coranique, le fkih, Haj Naim, et sa mère n’y a pas vu matière à redire. « Quel soulagement de voir son enfant se rapprocher des gens de foi plutôt que de s’égarer sur le mauvais chemin. » Au fil du roman, on voit la formation suivie par chacun des fils, Hassan devenant un brillant officier, efficace dans la lutte contre les terroristes qui ensanglantent le pays (plusieurs dizaines de milliers de morts en dix ans) tandis que Sélim rejoint un groupe islamiste et suit des stages dans des camps implantés en pleine nature en attendant qu’on lui confie la mission qui lui permettra enfin d’accomplir sa destinée. Beaucoup de thèmes sont abordés, comme l’égalité des sexes bien sûr, grâce notamment à Leïla, une amie de Hassan qui étudie à Alger pour devenir institutrice. Dès l’enfance, la lecture lui a ouvert les yeux sur cette idée. Étrangement, même la Bibliothèque Rose ou les magazines féminins pouvaient y contribuer. Ce roman très bien documenté, très précis, nous fait voyager entre Alger et la Kabylie, nous emmène au cœur de la Casbah, puis en autocar jusqu’au village natal des deux frères et nous fait partager le quotidien de Nassira quand elle cuisine et bavarde avec ses voisines, quand elle va au marché, au cimetière ou au hammam, mais aussi ses rêves, ses attentes et ce sentiment d’avoir atteint ses objectifs, d’avoir réalisé sa mission, une satisfaction et une plénitude cependant troublées par le piège d’une guerre civile qui renvoie dos à dos des frères devenus des ennemis. Serge Cabrol (16/09/22) |
Sommaire Lectures Le chant des voyelles (Septembre 2022) 200 pages - 18 €
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