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David BOSC
Le Pas de la Demi-Lune
Le titre du nouveau livre de David Bosc, Le Pas de la Demi-Lune,n’est pas qu’un titre. C’est également et avant tout le nom d’une brèche dans les Calanques marseillaises, d’où il est dit qu’à une certaine période de l’année, on peut voir la lune parfaitement alignée dans son axe, à moitié coupée par la forme de la roche.
David Bosc doit bien connaître ce lieu magique. Son personnage en tout cas le connaît parfaitement, lui qui veut le rejoindre pour y retrouver des traces de son enfance, des chemins et des villages qu’il a connus et qui ne sont aujourd’hui que des ombres d’eux-mêmes. Tout a changé. Ici mais aussi là-bas, plus loin, à la ville. La capitale n’est plus la capitale : elle a été délaissée par les tout-puissants, qui avaient mieux à détruire ailleurs.
Car c’est cela que nous raconte David Bosc : quand un puissant a terminé une destruction ici, il part la reproduire ailleurs et les peuples récoltent les miettes s’il en reste. Au mieux, ils s’organisent, refondent une vie à leur manière. Une vie qui peut être meilleure puisque, libéré des puissants, le peuple peut enfin apprendre à se connaître. Libéré des puissants, le peuple est libéré de « la ruse des temples et des palais », cette ruse qui consistait à lui faire croire que sa vie était méprisable et étroite. « Voilà l’or qu’on jetait aux cochons. » dit l’un des personnages du livre à propos d’elle, cette ruse que tout un chacun reconnaîtra puisqu’elle est de notre monde.
À travers la fiction voire la fable, c’est donc de notre société que parle Le Pas de la Demi-Lune. Sous des noms d’emprunt comme Mahashima ou Yaragawa, ce sont nos villes et leur fonctionnement qui y sont décrits et montrés du doigt par des personnages aussi sages que des héros de conte. Leur langue est belle, rocailleuse et juste, proche souvent de celle de Giono dans son superbe Rondeur des jours, où il faisait parler des bergers, des cordonniers, de petites gens dirait-on. Comme lui, David Bosc sait faire entendre ce que de tels êtres ont de grandeur dans les cœurs et les âmes. Les mots, dans leur bouche, ne sont plus de vulgaires pacotilles dont le sens se perd dans la soit-disant communication. Les mots sont pesés, sentis, précieux. Ils viennent d’un rapport à la terre, au temps, au silence, aux étoiles, à la roche, aux sentiers.
Tout le livre a cette grandeur d’âme. S’il est une forme de dénonciation des puissants et de leurs multiples ruses pour détruire et asservir, il est en effet une ode à ceux qui savent regarder. Assis sur un banc ou sur une pierre, ceux-ci contemplent l’univers pour s’en nourrir ou l’apprivoiser. Peut-être est-ce là qu’ils retrouvent la force de l’enfance ? Car c’est elle qui guide bien des pas, peut par exemple pousser un homme jusqu’à cette brèche étonnante qu’est Le Pas de la Demi-Lune. Là où l’on peut croiser en chemin des êtres avec lesquels créer, ce sont les presque derniers mots du livre, « une solidarité mystérieuse ». Ne reste plus, alors, qu’à sourire.
Merci à David Bosc de nous le rappeler par son livre élégant.
Isabelle Rossignol
(12/09/22)
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Verdier
(Août 2022)
192 pages - 17 €
David Bosc
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