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La parution d’un nouveau livre de Georges-Olivier Châteaureynaud est toujours un grand bonheur, l’annonce de quelques heures d’intense plaisir, la promesse d’un voyage étrange dans un univers hors du commun. C’est que l’auteur a le don pour animer une galerie de personnages qui pourraient nous ressembler plongés dans des lieux ou des situations que, fort heureusement en général, nous ne connaîtrons jamais. Même les noms des personnages ne sont pas très courants. Pour les hommes on suit Innocent Follower, Germinal, Vaudaire, Janvier ou Septembre. Pour les femmes c’est encore plus exotique : Tarpeia, Freyja, Florinda, Quintia, Elora… Pour ce qui est des lieux, la diversité est sans limite, de la brocante à la fête foraine, de l’île grecque au bordel londonien, du manoir au camp de prisonniers. Bien entendu, ces lieux, compte tenu de ce qu’il s’y passe, ne sont pas faciles à situer sur un plan ou une carte. « Cette île a un nom qu'il serait dommage de trahir. Certains lieux trop fragiles doivent être tenus secrets. En divulguant celui-là, on aurait l'impression de salir un rivage édénique à sa façon. » Quand un jeune écrivain part en résidence d’auteur c’est « quelques mois au vert dans un manoir, au cœur d'une forêt encore profonde. » Ceci dit, d’autres ont moins de chance et les lieux de séjour ne sont pas toujours idylliques. « Le site n'était guère riant. Les mêmes eaux boueuses baignaient les mêmes rives ingrates, bordées à distance de hauts arbres décharnés. Là, en contrebas du parking et en retrait d'une grève jonchée de branchages apportés par le courant, était édifié un ensemble de baraques préfabriquées. Entre elles couraient des allées creusées d'ornières et parsemées de flaques. De chiches fumées s'échappaient de quelques cheminées […]. Un air de misère transie planait sur tout cela ; il n'y manquait qu'une clôture de barbelés pour éveiller les pires réminiscences. » Atmosphère, atmosphère ! Mais ici, il faut écrire atmosphères, au pluriel, parce que chaque nouvelle crée son propre univers… Quant aux aventures qui attendent tous ces personnages, la diversité est tout aussi grande et ils sont aussi surpris que nous de ce qui leur arrive, ce qui nous les rend familiers. On pourrait être à leur place, partager leurs émotions et leur étonnement. Parce qu’il se passe des choses très étranges dans les nouvelles de Georges-Olivier Châteaureynaud, des situations et des événements qui font de cet auteur un maître du fantastique, à la lisière entre les œuvres de Maupassant ou d’Edgar Poe et le réalisme magique d’auteurs sud-américains. On part d’un fait très anodin, une rencontre dans un train, un homme qui perd son téléphone portable, un autre qui entre dans une brocante ou qui s’amuse à tirer sur des pipes en plâtre dans une fête foraine… et puis de fil en aiguille, voilà ces personnages ordinaires plongés dans des aventures qui les dépassent et les étonnent… Mais de nouvelle en nouvelle, le fantastique n’est jamais le même. Il peut aussi être violent. Imaginez-vous en balade dans une belle décapotable. Vous longez un stade un soir de match mais aussi, hélas, un soir d’attentat. Une tête humaine s’envole du stade et atterrit sur la banquette arrière de votre voiture. C’est déjà affreux ! Mais en plus cette tête continue à parler. Que faire ? C’est là qu’on admire le talent de l’auteur pour imaginer une telle histoire et la mener jusqu’à sa chute avec un naturel qui semble même logique… Mais que les âmes sensibles se rassurent, le recueil n’a rien de gore et l’humour (noir) l’emporte sur l’horreur. D’autre part, ce n’est pas parce qu’on pense à Maupassant qu’on évolue dans un univers digne du dix-neuvième siècle, les nouvelles technologies au contraire, sont très présentes. Comme on le voit avec ces quelques exemples, le monde de Georges-Olivier Châteaureynaud est aussi varié que passionnant et la lecture de ses nouvelles est toujours un grand moment de bonheur. On échappe au quotidien, on s’égare dans l’inconnu, on voyage dans l’étrange, et on en revient le sourire aux lèvres en se disant que décidément, on a vraiment affaire à un grand auteur dont l’imaginaire est sans limites. Serge Cabrol (02/11/22) |
Sommaire Lectures Grasset (Octobre 2022) 208 pages - 19 € Version numérique 13,99 €
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