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Ce roman est celui de la quête de l’autrice pour retrouver la trace de ses trois petites cousines arrêtées et expédiées à Auschwitz en 1944 après deux années d’errance. Une tentative pour reconstituer ces années à partir de 1942 où leurs parents sont déportés, les rendant orphelines et ballottées de foyers en pouponnières et toujours à la merci des rafles pour un voyage sans retour. Il n’y a pas deux temps dans ce roman ; le temps du passé et celui de l’enquête se mêlent intimement, faisant surgir dans notre quotidien les fantômes des disparus et la présence des survivantes, jadis des enfants, devenues aujourd’hui des personnes très âgées mais à la mémoire préservée, qui ont soigneusement gardé les lettres, les photos, les cahiers d’école, les objets témoins qui deviennent pour l’autrice de véritables trésors. Cloé Korman crée une nouvelle géographie de Paris où les traces de ces années réapparaissent à peine masquées. Pouponnière à Neuilly, « maison de naissance » à Saint Mandé, « Toit familial » de la rue Guy-Patin, home de jeunes filles de la rue Vauquelin, « Séjour des Voisins » à Louveciennes. Tous les enfants qui débarquent dans le centre de tri de la rue Lamarck reviennent de la cité de La Muette à Drancy, affamés et pouilleux. C’est la dislocation des familles juives suite aux déportations des adultes qui a obligé l’État français à organiser des services d’accueil qui étaient tout autant des lieux de surveillance. Et c’est à l’UGIF (Union Générale des Israélites de France), que cette mission a été confiée. Comme dans les camps d’extermination où la sale besogne était faite par les kapos, ce sont des Juifs qui gèrent ces foyers, « où tous les enfants étaient répertoriés auprès des Allemands et où ils puisaient pour des déportations. » C’est à Montargis où les familles Korman et Kaminsky s’étaient réfugiées que les militaires allemands sont venus arrêter les parents le 14 juillet 1942, puis les enfants le 9 octobre 1942. Mireille, Jacqueline et Henriette Korman ont respectivement dix, cinq et trois ans. Leurs parents, Chava et Lysora viennent de Piotrkov, ville située dans l’Empire russe avant de devenir polonaise. Les Kaminsky viennent de Varsovie. Leurs filles Andrée, Jeanne et Rose ont 13, 9 et 6 ans. La petite dernière, Madeleine encore bébé, n'est pas arrêtée parce que madame Mourgue à qui l’enfant a été confié s’y oppose avec une force farouche. Le bébé se mettant à pleurer, le militaire abandonne. Cloé Korman a le mérite d’attribuer la responsabilité de ces crimes à leurs auteurs. Ce roman bouleversant redonne vie le temps de sa lecture aux enfants qui ont disparu faute de soins ou par volonté délibérée de destruction génocidaire. Comme dans ses précédents romans, (Tu ressembles à une juive, Les Hommes-couleurs) elle établit les faits avec rigueur et rappelle la responsabilité des autorités françaises. C’est glaçant d’horreur. Pourtant, Cloé Korman parvient, par son empathie avec les survivantes, par l’analyse de ses propres sentiments, par la juste colère qui l’anime, par la grâce de son écriture, à emmener le lecteur jusqu’au bout du chemin. Nadine Dutier (25/08/22) |
Sommaire Lectures Le Seuil (Août 2022) 256 pages - 19 €
Bio-bibliographie sur Wikipédia Retrouver sur notre site un autre roman de Cloé Korman : Les Saisons de Louveplaine |
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