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Alain LE NINÈZE


Le dernier sommeil selon Caravage



Pour aborder l'œuvre de Caravage et restituer sa vie tumultueuse, Alain Le Ninèze ne pouvait pas trouver un narrateur plus pertinent que Francesco Buoneri que l'on appelle Cecco et qui fut à la fois élève et modèle du maître mais aussi son amant et son ami fidèle. En effet, tout au long du livre, Cecco le narrateur, va accompagner le lecteur sur les pas du peintre. Nous le verrons au travail dans son atelier, nous assisterons à ses déboires et à ses frasques, nous rencontrerons Rubens, mais surtout nous serons plongés au cœur de sa conception de l'art. Ainsi aux remarques ironiques qui lui sont faites de sa Conversion de saint Paul ou bien de son Crucifiement de saint Pierre où certains puristes trouvent que "l'œil est d'abord attiré par le postérieur proéminent du bourreau", Caravage rétorque :
« Le sujet d'un tableau n'est pour moi que matière à peinture, fût-il un sujet sacré. Et la peinture donne à voir le spectacle du monde. Elle montre la vie, les corps, ceux des hommes et ceux des animaux. Mon cheval est énorme parce que c'est ainsi que Paul le voit quand il gît sur le dos entre ses sabots, et le bourreau soulevant la croix de Pierre a les reins tendus dans l'effort qu'il fait pour accomplir sa sinistre besogne. »   

Montrer les corps, Caravage le fait superbement mais en dehors des canons de son époque. Avec beaucoup de subtilité, l'auteur nous donne à lire le tableau emblématique de Caravage : La mort de la Vierge. Ce thème a donné lieu a beaucoup de représentations intitulées "La dormition de la Vierge". La dormition, Huysmans en donne une belle définition dans l'Oblat, en tous points conforme aux dogmes de la chrétienté : « La Vierge ne mourut, ni de vieillesse, ni de maladie ; elle fut emportée par la véhémence du pur amour ; et son visage fut si calme, si rayonnant, si heureux, qu'on appela son trépas la dormition. »

Chez Caravage, la mort n'est pas la dormition ! C'est la mort telle qu'il l'a vue de ses yeux autour de lui et à la morgue, c'est le visage d'une jeune prostituée retrouvée morte sur les rives du Tibre et c'est ce visage qu'il a peint pour représenter la mort de la Vierge avec une auréole à peine visible. Le visage de la Vierge représenté sous les traits d'une 'vraie' morte et de surcroit d'une prostituée ! On comprend que les moines de Santa Maria della Scala aient refusé le tableau qu'ils avaient pourtant commandé...

Face à ce refus, le narrateur nous fera rencontrer les protecteurs du peintre : le Cardinal Francesco Maria del Ponte mais aussi ses ennemis comme le peintre Giovanni Baglione. Nous l'accompagnerons dans ses rixes, ses condamnations, son exil...

Le dernier sommeil selon Caravage, un beau livre qui aiguise le regard sur l'œuvre d'un peintre immense.

De surcroît, Alain le Ninèze a eu la bonne idée de citer en fin de volume des historiens d'art (Roberto Longhi), des philosophes (Jean-Luc Nancy), des historiens (Paul Veyne), des cinéastes (Martin Scorsese)… Chacun, à sa manière, a trouvé dans l'œuvre de Caravage une inépuisable source de réflexion et de bonheur.

Yves Dutier 
(21/02/22)    



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Lectures








Alain LE NINÈZE, Le dernier sommeil selon Caravage
Ateliers Henri Dougier

(Janvier 2022)
128 pages - 12,90 €

Version numérique
4,99 €










Alain Le Ninèze,

romancier féru d’histoire de l’art, a écrit notamment sur Michel-Ange, Léonard de Vinci et Manet.



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