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Olivier LIRON


Le livre de Neige


Dans ce roman, Olivier Liron rend hommage à sa mère, née en Espagne et exilée en France toute jeune, dont la famille, comme beaucoup d’Espagnols, cherchait à échapper à la misère.

La première partie de ce roman se lit comme on feuillette un album photo – photos d’ailleurs reproduites dans le livre – avec cette distance propre à l’historien qui n’était pas le témoin de cette période. Ce ton très neutre ne cache rien néanmoins, du poids de la religion contre laquelle Nieves se révoltera très tôt, de la misère dans laquelle a vécu la famille en Espagne mais une misère heureuse, joyeuse et fraternelle. Jusqu’à ce que la guerre et la répression franquiste détruisent les familles, sèment le malheur. L’école franquiste n’est qu’endoctrinement, les femmes doivent devenir de bonnes épouses et rester à leur place. « Nieves n’a pas envie de ressembler à ces femmes soumises qu’on lui donne en modèle. Dans ce contexte pesant, elle éprouve un désir de liberté, et comprend que cette liberté passe par le savoir et les livres. Formule de son bonheur : la volupté d’apprendre, du soleil, et le chant des oiseaux. »
L’arrivée à Paris est épouvantable : la pluie, le froid, le rejet qu’elle subit des enfants du quartier qui se moquent d’elle, la pouilleuse, la « Conchita ». Très vite, elle apprend le français pour se défendre, « comme une bouée de sauvetage, des mots pour recommencer à exister. »
En 1964 la famille s’installe à Saint-Denis dans le quartier de la Petite  Espagne. C’est un ghetto insalubre sans eau ni accès au gaz, un bidonville de banlieue. Ils échappent de peu à l’intoxication quand le vieux poêle à charbon répand le monoxyde de carbone en pleine nuit.
À l’école, Nieves subit la méchanceté de l’institutrice, elle est devenue son bouc émissaire ; quand elle demande de l’aide à sa voisine, on lui cloue le bec avec du scotch, quand elle utilise un mot familier par ignorance du français, elle doit aller au coin. Elle se sent humiliée mais elle rêve d’une école plus juste et imagine peut-être devenir enseignante pour inventer de nouvelles méthodes.

Son plaisir, aller à la bibliothèque et dévorer les livres. Elle a une passion pour les sciences.
« Quand elle est arrivée en France, sa compréhension du monde a été mise à mal. La science donne des clés. La science ne ment pas. C’est pur et beau. C’est au-delà du vernis social, des apparences. »
Grâce à ses facilités et à son travail, elle entre en classe préparatoire au lycée Charlemagne en maths sup. Elle souhaite enseigner les mathématiques. Elle passe son CAPES brillamment et est nommée dans un collège en ZEP. Dans cet établissement difficile, « elle met tout son cœur pour transmettre le plaisir de la connaissance, de la découverte ». Nieves a épousé Gabriel pendant ses études de mathématiques, ils habitent près de la forêt de Fontainebleau où elle aime se promener, se ressourcer ; y sentir les vibrations de l’univers chasse sa tristesse, lui donne énergie et sérénité. Quand naît leur enfant, le prénom Olivier est une évidence.

La deuxième partie du roman est très différente : le narrateur est l’enfant et il voit sa mère avec ses yeux d’enfant. Ils partagent les joies des premières lectures, des découvertes en forêt. Il y a une belle complicité entre l’enfant et sa mère.
Mais avec l’entrée au collège la vie devient un enfer pour Olivier, persécuté par les enfants, et en même temps, Nieves sombre dans la mélancolie. Olivier n’a plus personne à qui se confier, personne pour le protéger. Il raconte ses peines au noisetier du jardin ou écrit des poèmes.

Ce roman rend hommage à la combativité et à l’intelligence de Nieves. Il a aussi le mérite de dire ce que furent les conditions de vie que la France réservait aux travailleurs migrants.

Nadine Dutier 
(10/06/22)      



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Lectures







Olivier LIRON, Le livre de Neige
Gallimard

(Février 2022)
240 pages - 19 €

Version numérique
13,99 €














Olivier Liron

Le livre de Neige est
son troisième roman.

Bio-bibliographie
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