Retour à l'accueil du site





Alain MABANCKOU

Le commerce des Allongés


Au Congo, Liwa Ekimakingaï a été élevé par sa grand-mère, Mâ Lembé, car Albertine, sa fille, est morte en donnant naissance à Liwa. Celui-ci a été tué lors de la fête de l’Indépendance à Pointe-Noire. Il est de l’ethnie des Babembés. Il commence « le rêve le plus long de sa mort » : « Tu ne cesses de te le répéter au point d'en être désormais convaincu : une nouvelle vie a débuté pour toi il y a moins d'une heure lorsqu'une secousse a écartelé la terre alentour et que tu as été comme aspiré par un cyclone avant d'être projeté là où tu te retrouves maintenant, au-dessus d'une éminence de terre dominée par une croix en bois toute neuve.
– Je respire ! Je vis ! t'étais-tu à ce moment-là murmuré en signe de victoire. »

Il revoit la cérémonie de ses funérailles, le malheur de Mâ Lembé, son enfance avec les bêtises qu’il a faites avec ses amis Jose Manuel et Sosthène Mboma.
Nous découvrons aussi toute l’importance des croyances, des légendes, des sacrifices.
« Ils savaient tous que les ancêtres et les traditions étaient impitoyables : si une maman en colère vous montre sa nudité et que vous la regardez, vous ne serez plus le même individu, la malchance vous poursuivra jusqu'à votre dernier jour sur terre. »

La solidarité africaine est bien montrée avec celle des commerçantes du grand marché qui a permis à Mâ Lembé d’acquérir un terrain pour y construire sa maison puis, au moment du décès de son petit-fils, de payer les frais des funérailles.

La religion est omniprésente pour les Ponténégrins mais le pasteur Papa bonheur n’apporte pas que le bonheur !
Les sacrifices sont terribles aussi, notamment pour les bébés albinos. Pour satisfaire leur goût du pouvoir certains hommes n’hésitent devant rien pour obtenir ce qu’ils veulent. « Quand j'entends ce nom de Mbota, c'est comme si je tombais sur ce salaud de Jérémie Ndoki en train d'empoisonner sa nièce et son neveu juste pour avoir deux postes d'un seul coup : maire de la ville de Pointe-Noire et président de la région du Kouilou ! Comme ça, il était certain non seulement de gérer le pétrole local, mais de s'en mettre plein les poches grâce aux dessous-de-table avec les marchés publics... »

Ce roman nous plonge au cœur de Pointe-Noire, de sa vie quotidienne avec ses drames et ses bonheurs, ses rivalités entre riches et pauvres jusque dans la mort : « – Ça sert à quoi d'être riches dans sa vie si c'est pour finir en voisins de tombe avec ces fainéants de pauvres ? Les Français, eux, l'ont bien compris : c'est plus facile de réussir son agrégation en Lettres ou son concours d'entrée à l'ENA que de se voir un jour attribuer une petite place au Père-Lachaise ! » Les Ponténégrins ont donc le « Cimetière des Riches » et le cimetière du « Frère-Lachaise » pour les pauvres.

L’écriture foisonnante reflète la multiplicité des fonctionnements et la vie animée de Pointe-Noire chez les morts comme chez les vivants. L’humour est très présent au fil de ce passionnant roman qui complète avec bonheur une œuvre déjà très riche.

Brigitte Aubonnet 
(26/09/22)    



Retour
Sommaire
Lectures








Seuil

(Août 2022)
256 pages - 19 €





Alain Mabanckou,
né en 1966 au Congo,
a publié une trentaine d’ouvrages, traduits dans une vingtaine de langues et reçu plusieurs prix
dont le Renaudot pour
Mémoires de porc-épic.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia




Découvrir sur notre site
d’autres livres
d’Alain Mabanckou :

Tais-toi et meurs

Rumeurs d’Amérique