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James MEEK

Vers Calais, en Temps ordinaire

Ils se tournèrent l’un vers l’autre avec une grâce simple, et dans un mouvement qui était à la fois ardent et retenu, ils s’embrassèrent. Ils se tournèrent vers Berna avec une aimable surprise. Leur beauté, comme individus et comme ensemble, et la sincérité de leur affection, étaient irrésistibles et Berna sourit.  L’instant d’après son sourire se figea. Les nobles amants de haut rang et à la noble contenance qui la dévisageaient avec tant de franchise, coïncidaient parfaitement, ce faisant, avec l’apparence de Will Quate, l’ancien laboureur qui épandait jadis du fumier dans les champs de son père, et de Madlen, la sœur félonne du porcher d’Outen Green.
James Meek, dans une langue médiévale enchanteresse, va emporter quelques habitants de cet Outen Green dans une extraordinaire balade avec la vie, l’amour, la mort, sur la route de Calais.
Dame Bernardine, dite Berna, fuit, dans la copie de sa robe de mariée, un mariage arrangé. Toute imprégnée du Roman de la Rose, elle veut retrouver son grand Amour, le chef des archers, Laurence Haket, qui attend sa troupe à Calais passé aux mains des anglais.
Will Quate, laboureur-serf, supplie le père de Berna de faire de lui un homme libre. Il devra pour cela faire ses preuves dans la troupe des archers qui va rejoindre Laurence Haket à Calais.
Hab, le porcher, habité par son double féminin, amoureux fou de Will, les accompagne avec un vérat, tantôt habillé en garçon, tantôt revêtu de la robe de mariée de Berna qu’il a volée. 
Celui qui raconte à la première personne, un procureur, qui en tant qu’homme de loi, savant, parlant le latin et connaisseur aussi de la loi divine, peut donc jouer le rôle d’un homme d’église, veut regagner sa patrie, Avignon, malgré les terribles nouvelles qu’il en a.  La peste y fait rage et le fléau semble se déployer vers le nord. Voulant pérégriner accompagné, les routes n’étant pas sûres, il va se joindre à la troupe des archers et devenir leur confesseur.
Les archers, ceux à pied comme ceux à cheval, sont, à première vue, des mercenaires patibulaires. L’un d’eux emporte avec lui, sur un chariot, une prisonnière, une Française qu’il a enlevée après l’avoir violée et livrée à ses compagnons et avoir exterminé toute sa famille. Acte ô combien répréhensible, même chez des hommes d’armes vivant de rapines et de meurtres, et qui crée une scission morale dans la troupe.
Les présentations sont faites, les ordres de la société médiévale représentés, on est en 1348, deux ans après la bataille de Crécy, tout ce petit monde prend la route au-devant du terrible fléau qui va ravager la moitié de l’Europe. On s’attache de plus en plus aux personnages qui vont affronter, chacun à leur façon, les aléas du chemin, ses dures conditions de vie, les désillusions, la maladie, la mort mais aussi les rencontres lumineuses, les joies de la chair, et pour les plus purs d’entre eux, le bonheur et l’amour !
James Meek nous embarque gaillardement sur cette route de Calais.  Une fable, une épopée, un Roman de la Rose revisité ? Peu importe… On se réjouit encore et toujours que les gueux l’emportent en générosité et soient plus charmants que les princes !
Des flèches que possède le Dieu de l’Amour, c’est Franchise que je préfère, car la franchise est authentiquement noble […] Les autres flèches – Beauté, Simplicité, Courtoisie, Compagnie, Beau-semblant – sont les qualités, chez une femme, capables de blesser le cœur d’un homme en laissant son orgueil intact. Cette femme-là pourra se trouver un amant et ne jamais ouvrir la bouche. Mais l’homme qui tombe avant tout en amour du fait de la blessure infligée par la franchise de son amante est ennobli, car il accepte l’énumération de ses défauts, sans douter de l’esprit aimant dans lequel ils lui sont livrés ; et l’amante accepte en retour la franchise de cet homme. On peut considérer comme un démérite du Roman de Guillaume le fait que Franchise soit l’unique flèche qu’Amour choisit de ne point décocher.

Sylvie Lansade 
(03/10/22)    



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Métailié

(Janvier 2022)
464 pages - 23 €

Version numérique
14,99 €



Traduit de l’anglais
(Écosse) par
David Fauquemberg









James Meek,
né à Londres en 1962, a grandi en Ecosse. Grand reporter et écrivain, il a publié plusieurs livres dont Un Acte d’amour qui a été traduit en 25 langues.



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