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Eileen MYLES


Chelsea Girls

Poète, nouvelliste et universitaire, Eileen Myles a publié plus de vingt ouvrages qui ont été récompensés par de nombreux prix. Elle est également connue pour s’être présentée à l’élection présidentielle de 1992, face à Bush et Clinton.

Premier de ses livres édité en France, Chelsea Girls, publié aux États-Unis en 1994, est une très bonne façon d'entrer dans l'œuvre et dans la vie de cette figure majeure de la scène culturelle américaine. Les vingt-neuf textes qui le composent nous plongent en effet dans les jeunes années de celle qui a fui, dans les seventies, l’Amérique catholique et ouvrière pour vivre sa vie à New York : de son quotidien dans une petite ville perdue du Massachussetts aux nuits passées dans le mythique Chelsea Hotel, des petits boulots aux soirées de lancement de ses livres, de la fin des années 1960 au début des années 1980.

L’écriture d’Eileen Myles est un grand geste, une puissante vague qui charrie tout avec elle, le meilleur comme le pire. Dans une prose syncopée comme du jazz, ce sont donc les techniques pour se procurer des cachets, les portraits de ses amantes (Robin, perverse magnifique, ou Christine, l’âme sœur contrariée), les hommes fragiles ou malsains, que nous raconte l’autrice qui, tel le témoin hypermnésique de sa jeune vie, retranscrit chaque détail, n’affirmant jamais rien, ne revendiquant pas plus.

En effet, pas question ici de formation ou d'apprentissage, Eileen Myles a toujours été, dans sa forme brute comme on le dirait d'un diamant, poète :
« Si tard dans la journée, personne ne va à Manhattan. Moi si. Je bois une grande cannette de Schlitz, et je fume dans le métro, même. J’ai environ 30 ans, je suis avec ma copine. Tout va bien. Je suis pleine de poèmes. »

C’est cette apparition qui se lit au cours des pages, celle d’une personne qui s’assume entièrement – droguée, lesbienne, poète – et qui prend la place qui devait être la sienne dans le monde artistique new-yorkais :
« Alors j'ai commencé à m'installer dans mes poèmes, et j'ai jugé que puisque ma vie était celle d'une ratée, elle était poétique. »

Et c'est peu dire que vie et œuvre se mélangent dans ces textes qui ravivent le souvenir de ces années particulières que furent les années 70 :
« Une des autres serveuses était sa nana, donc notre « histoire » n’a duré qu’une nuit en fait. Si vous me le permettez, je remets cet incident à plus tard, ce n’est pas vraiment l’objet de ce récit, là où je veux en venir, c’est à la qualité de cette époque. Intense, des vagues compactes et étroitement maîtrisées. Une densité émotionnelle qui ressemble à l’enfance. »

Livre fondateur pour de nombreuses autrices contemporaines (Maggie Nelson, Deborah Levy), Chelsea Girls nous parle donc de sexe, de galère, de défonce, mais surtout d’art et de liberté – d’Eileen Myles en somme.

Amandine Farges 
(12/09/22)    



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Lectures







Eileen MYLES, Chelsea Girls
Éditions du sous-sol

(Août 2022)
304 pages - 23 €

Traduit de l’anglais
(États-Unis) par
Héloïse Esquié








Eileen Myles,
née en 1949 près de Boston, écrivaine et poétesse, a publié une vingtaine de livres. Chelsea girl (1994) est le premier traduit en français.

Bio-bibliographie
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