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Irma PELATAN

Lettres à Clipperton
Une aventure épistolaire



Comme le sous-titre nous l'indique il s'agit ici de suivre un récit, des impressions, et donc une sorte d'aventure à travers ces lettres écrites chaque jour.
Le jeu, car l'on peut supposer que cela en est un, consistera à nous faire croire, espérer, ou imaginer, que ces lettres, si elles ne revenaient pas à leur envoyeur, auraient pu trouver leur destinataire, et ce dernier peut-être...
Et n'oublions pas le mystère, l'inconnu, le geste insensé...
Enfin c'est ce que l'on se dit au début, même si ce "jeu" nous laisse d'abord un peu sceptique, et quelque peu dubitatif, ensuite !
Mais allez savoir tout ce que cette lecture peut nous réserver !

L'autrice écrit elle-même sur la couverture turquoise de son livre : « Lorsque l'on s 'adresse à une île déserte, au fond, les potentialités dans les destinations sont extrêmes. Mais n'intellectualisons pas trop, voulez-vous ? Laissons-nous plutôt aller au bonheur de la rencontre fortuite, à l'improbable destination de la bouteille à la mer. J'ai tant de choses à vous dire. »
Voilà, qui précise, ou embrouille, mais en tout cas, qui va nous intriguer !

Tout commence à Condrieu, le mardi 17 Mai 2017 car l'autrice nous indique qu'elle va écrire et envoyer ses lettres à « Tout résident, 98799 La passion-Clipperton ».
Et puis le roman arrive sous la forme d'un nombre de pages limité par la décroissance du crayon qui va servir à écrire ces fameuses lettres !

Et donc, voici, une île, déserte à présent, au cœur du Pacifique, mais qui aurait été habitée autrefois. L'autrice nous le dit !
Alors, mystère, rêve, mais surtout prétexte à une construction intéressante qui s'anime au fil de ces 134 jours... et qui va se remplir de questions, d'histoires et certainement d'inventions. Car l'autrice, là-aussi qui s'adresse à nous, le précise et comme le « signale Barbara Pompili, secrétaire d'État chargée de la biodiversité : "L'île de 8 kilomètres carrés, dont 2 kilomètres carrés de terres émergées, n'est ni un département ou région ni une collectivité d'outre-mer et ne compte pas de présence humaine". »
Que faire alors ? Prendre du plaisir, sa propre curiosité en bandoulière, pour se laisser emmener par ce jeu littéraire, cette aventure particulière, dérisoire peut-être ?

Et puis, sans rien dévoiler, à propos de cette île, de ce support à l'imagination, à la création, juste cette phrase "pêchée" ainsi dans une lettre du 5 juillet 2017 : « C'est drôle comme la langue fait bouger les buissons de l'imaginaire. Le gardien ne remue pas les mêmes branches que the caretaker. La garde contre le soin. Voilà une question qui intéresse tout passionné de Clipperton : que fait-on en fait pour le lieu isolé ? Le garde-t-on des Autres ? Le couve-t-on de mille soins ? A qui, à quoi obéissons-nous ainsi ? »
C'est vrai, le mystère est déjà là, et même dense sans avoir besoin d'ajouter cet extrait, pour compliquer les choses, surtout quand on ne veut rien dévoiler !
C'était juste pour donner une idée du ton, de l'écriture...

Car ensuite, et encore pour "embrouiller" davantage les lectrices et les lecteurs, au milieu du livre, on peut lire ceci : « Les rêves que l'on fait sur Clipperton, cette folle série de projections qui ne parlent que de soi, peuvent durer un temps, elles peuvent même convaincre d'autres de la suivre, tant le récit produit a de la force. Mais un jour, quelqu'un, quelque part, dans un bureau, dans une banque, parvient à voir les failles du récit et soudain, comme une baudruche qui éclate, cesse d'y croire. »

Et puis Irma Pelatan, qui signe les lettres de son prénom, s'adressant à son « cher ami » destinataire des lettres, dit aussi ceci « Au fond ce "vous" à qui j 'écris, oui, vous, cher et magnétique ami, n'êtes-vous pas cela, cette solarisation tropicale qui voudrait tant durer ? »
De quoi faire penser, ou inviter à la réflexion, ou seulement au plaisir de découvrir...

Car et pour en finir : « Que faire lorsque l'île occupe un individu ? Lorsque l'île est désireuse d'occuper tout le domaine d'un individu ? »

Anne-Marie Boisson 
(20/06/22)    



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La Contre Allée

(Avril 2022)
224 pages - 21 €













Irma Pelatan
a déjà publié L’odeur de chlore en 2019 chez le même éditeur.