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Quand une adolescente fait une grosse dépression, une spécialiste de la médecine chinoise conseille à sa grand-mère de lui raconter la vie des femmes de sa famille de façon à ce que la jeune fille découvre ses origines et comprenne par quelles épreuves sont passées ses aïeules. C’est l’occasion pour le lecteur de parcourir l’histoire de la Chine, sur le continent et à Taïwan, du début du XXe siècle à nos jours. « Merde, je suis folle... Quand s’ouvre ce roman, Anna-Mei est à l’hôpital après une grave crise de violence dans sa chambre. Selon le psychiatre, il s’agit d’une légère crise psychotique : « À la prochaine crise, nous pourrons établir un diagnostic plus précis. Il faudra surveiller les signes avant-coureurs d'une probable rechute... ». Anna est abattue : « Voilà ce qu’on me diagnostiquait. On me condamnait à vivre dans l'éventualité d'une récidive. À avaler, peut-être à vie, des neuroleptiques. » Les raisons de cette crise ou du moins les événements et les émotions qui ont l’ont précédée, nous les découvrirons en détails au fil du roman mais dès le début nous savons que plusieurs éléments y sont liés : le concours de piano qu’elle préparait intensivement et qui ne s’est pas déroulé comme elle le souhaitait ; sa relation avec Simon, son petit ami, qui s’est révélée de plus en plus complexe ; et la fête d’anniversaire de Mathilde, sa meilleure amie depuis une dizaine d’années, qui a fait exploser leur amitié… La mère d’Anna-Mei, d’origine taïwanaise, est morte lorsqu’elle avait dix-huit mois et elle vit avec son père, français d’origine, d’où ce prénom composé d’Anna-Mei. Heureusement, la grand-mère maternelle, Ama, s’est installée chez eux à la mort de sa fille pour s’occuper d’Anna-Mei et soulager le quotidien d’un père dévasté par le chagrin et dépassé par la situation. Ama est l’autre personnage principal du roman. Très attachée à sa petite-fille, elle ne pouvait se contenter de l’avis du psychiatre et elle a conduit Anna-Mei chez la professeure Wu, une spécialiste de la médecine traditionnelle chinoise, qui a bien étonné l’adolescente. « Wu l'a affirmé : mon échec ne peut justifier à lui seul la crise qui m'a anéantie ; les explications à ma maladie se trouvent ailleurs, transcendent ma propre existence. "Il faut chercher du côté des racines maternelles, a ajouté la thérapeute. Il y a eu de grandes souffrances, des non-dits. Il faut les formuler." Sur le moment, je n'ai pas bien saisi. De quoi parlait-elle ? Comment pouvait-elle affirmer de tels propos juste en se fondant sur les prétendues énergies circulant dans mon corps ? Mais toi, Ama, tu y croyais. Je voyais à ton visage crispé que tu savais. Toi aussi, tu as des choses à me raconter. » À partir de là, en chapitres alternés, Anna-Mei va parler d’elle, de Mathilde et de Simon, de son concours, de ses doutes, de ses souffrances et la grand-mère va raconter l’histoire des femmes de sa famille depuis sa propre grand-mère, Zhou, née en Chine en 1901, à une époque où on bandait encore les pieds des petites filles pour les rendre attrayantes, une torture qui a été interdite en 1912 mais dont les effets ont fait souffrir Zhou toute sa vie. Un arbre généalogique aide à suivre le parcours des trois enfants de Zhou, dont une fille Mei, née en 1926, a eu des jumelles en 1950, Ama étant l’une d’elles. Cette alternance de récits crée un rythme vif et rend le roman aussi passionnant qu’émouvant. Le mal-être de l’adolescente placé dans la filiation des femmes qui l’ont précédée, prend un sens plus profond et fera réfléchir beaucoup de lecteurs sur le lien qui peut exister entre leur vécu et celui des générations précédentes. Il éveillera certainement des curiosités et aidera à percer des mystères et des secrets dont le poids empêche parfois de respirer librement. À la fois leçon de vie et leçon d’histoire, une lecture à conseiller aux ados curieux. Serge Cabrol (10/01/22) |
sommaire Jeunesse Syros (Janvier 2022) 288 pages - 16,95 €
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