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Léna, la narratrice, hésite à sauter. Elle se trouve sur le plongeoir de 5 mètres nouvellement installé sur le bassin extérieur de la piscine municipale. Max, juste derrière elle, la presse de sauter, peu amène : Léna vit sous l’emprise de Max, sa meilleure amie. Le récit, sous le soleil d’été, prend des allures de tragédie. Unité de lieu : la piscine ; unité de temps : l’été, les vacances scolaires ; unité d’action : draguer les garçons, être draguées par eux. Trois thèmes vont s’enchevêtrer dès le début du récit : les sensations de Léna, ses fantasmes de mort/meurtre, la crudité du vocabulaire de la sexualité qui rejoint celle des rapports filles- garçons. Léna est une narratrice sensorielle très experte, on ressent très fort ce que ses sens ressentent : Les descriptions des sensations de Léna empruntent de plus en plus au vocabulaire de l’accident, de la violence, du meurtre. Le lecteur sent venir le drame, il couve, comme dans un thriller. Quelqu’un saute du plongeoir : Imprégnées de faits divers sanglants dont nos deux amies ont toujours un journal spécialisé qui traîne sur leurs serviettes, de l’outrance des réseaux sociaux où « on termine les gens » (elles sont sur Insta, Tik-Tok, Snap), de la violence des films d’horreur ou des pornos qu’elles ont vus, de la vulgarité et de la suprématie du mâle des téléréalités dont elles se délectent. Les filles de la piscine dont on ne sait pas qui est l’héroïne, de la narratrice, de la belle et cruelle Max ou de la naïve Sabrina, sont en première, terminale pour Sabrina, sont de très jeunes femmes, encore vierges, qui ne parlent que de bites et de sucer, et qui mélangent totalement réalité et fiction. Léa Tourret décrit avec la minutie d’un chirurgien la cruauté des rapports entre ces ados-là, leur manque d’empathie et, plus inquiétant, à l’ère de Me Too, la complète soumission des filles à leurs congénères-garçons. Je suis raide et silencieuse, pétrifiée dans le corps sans vie d’une poupée. J’avoue qu’on ne ressort pas indemne de cette piscine, qui, on l’espère, sert de miroir grossissant pour seulement une partie des ados d’aujourd’hui, sinon, c’est à « se tuer !
Sylvie Lansade |
Sommaire Lectures Gallimard (Mai 2022) 160 pages - 16 €
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