Retour à l'accueil du site





Hugues JALLON

Le capital, c'est ta vie


Contrairement à ce que le titre du livre d'Hugues Jallon pourrait laisser croire, Le capital, c'est ta vie n'est pas un essai de sciences sociales sur le capitalisme et le néo-libéralisme ; c'est un roman dans lequel le narrateur explore avec brio les effets de la violence du capital sur les corps : effondrement psychique, délire, psychose, états de panique...
"Et moi qui me croyais si fort dans ce monde, je suis là où je n'existe plus, dans une contrée hostile, douloureuse."
"Autour de moi, le monde, les gens, les choses deviennent tellement durs, sans pitié, ils me poussent, ils me bousculent, dans ces moments-là il faut que j'aille chercher l'air le plus loin possible, expirer lentement, tenter de calmer cette souffrance qui monte à nouveau, qui agite tous mes membres."

Ces crises de panique et d'angoisse sont récurrentes tout au long du livre et astucieusement entrecoupées de rappels historiques notant l'apparition de nouvelles théories économiques. Ainsi apparaît le terme de globalisation, la théorie du Capital humain de Gary Becker. Le capital est partout : capital social, capital santé... L'imprégnation marchande est générale, tout est marché "le marché des frites congelées, le marché des mères porteuses, le marché de la liquidité interbancaire..."

Dans sa théorie de la valeur Karl Marx indiquait que 'pour qu'il y ait de la valeur, il faut du travail'. Il apparaît qu'aujourd'hui la valeur se déconnecte de l'économie réelle, la valeur est ce que les marchands ont décidé de valoriser. L'auteur donne ce magnifique exemple de  Kim Kardashian, cette richissime 'personnalité médiatique' américaine sans talent et qui ne sait rien faire si ce n'est 'faire bouger l'argent'. Kim ne fait rien mais elle a une valeur marchande.
"Non, c'est le nouveau cours des choses où une quantité de valeur (parfois extravagante) peut se mettre à exister et à se reproduire à l'infini 'sans une once de quantité de travail (c'est à dire de travail incorporé)' dans un monde où Kim ne fait rien d'autre qu'exister et où la 'forme fantastique' des êtres et des choses en vient à retrouver son mystère de 'caractère fétiche de la marchandise'...

Que le lecteur se rassure !  Ces brèves incursions dans les théories économiques ne sont là qu'en contrepoint aux souffrances du narrateur et n'altèrent en rien le souffle magnifique de l'écriture. Face à cet effondrement psychique, comment envisager l'avenir, quel espoir ?
"Rien ne changera, ou si peu, j'écouterai le ruissellement de la pluie qui vient frapper les lauriers noirs dès l'apparition de l'aube, brisant ce silence envahissant toutes les heures qui passent, maintenant que les grillons sont partis ou qu'ils sont morts avec l'été, en quelques heures, lorsqu'ont menacé les premiers orages."
"Et puis, un matin, comme à son habitude, Lucia arrivera par le bus..."

Le capital, c'est ta vie, un livre puissant et sensible. Le lecteur suffoque avec le narrateur et partage ses douleurs physiques. Un livre d'une grande actualité qui invite à la réflexion et qui donne des clefs de compréhension tant sur les violences du capitalisme que sur l'état du monde

Yves Dutier 
(13/02/23)    



Retour
Sommaire
Lectures







Hugues JALLON, Le  capital, c'est ta vie
Verticales

(Janvier 2023)
144 pages - 16 €

Version numérique
11,99 €












Hugues Jallon,
né à Bordeaux en 1970, est éditeur (dirige les éditions du Seuil) et écrivain (déjà sept ouvrages publiés).