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Marie-Hélène LAFON


Les Sources


Nous retrouvons avec plaisir l’univers et l’écriture épurée de Marie-Hélène Lafon qui nous mène directement au cœur des ressentis humains sans aucun pathos. Chaque mot est le mot juste tout au long du roman.
« Il faudra ramasser tout le linge, repasser, ranger, préparer les vêtements des enfants pour demain matin, les leurs aussi, et cirer les chaussures. Elle est contente de descendre chez ses parents, elle voudrait être contente, on sera chez elle, de son côté, on pourra rire et parler fort, il n'aura pas le dessus ; chez elle il n'a pas le dessus, il mange et il se tait. Dans trois semaines, le 30 juin, elle aura trente ans. Trente ans, trois enfants, Isabelle, Claire et Gilles, deux filles et un garçon, sept, cinq et quatre ans, une ferme, une belle ferme, trente-trois hectares, une grande maison, vingt-sept vaches, un tracteur, un vacher, un commis, une bonne, une voiture, le permis de conduire. Heureusement elle a le permis de conduire ; sa mère a eu raison d'insister pour qu'elle le passe. »

Elle, la mère, Pierre, le père et Claire l’une des filles retracent la vie d’une famille dans une ferme du Cantal située près de la Santoire, un affluent de la Dordogne que nous avons découvert dans les précédents romans de Marie-Hélène Lafon. Trois étapes de vie, en 1967 avec la voix de la mère, en 1974 avec la voix du père et en 2021 avec la voix de Claire jalonnent ce parcours où une femme est mariée à un homme violent avec ses injures et ses coups. Il la terrorise ainsi que leurs trois enfants. Le rapport au corps existe dans toutes ses dimensions, la toilette, les coups, l’effort dans le travail…

Cette femme, effacée dont le prénom n’apparait pas, a attendu son fiancé Pierre qui a effectué son service militaire au Maroc durant vingt-sept mois, période qu’il regrette car il a vécu une histoire avec une femme, Suzanne, mais il a dû revenir. Deux regrets se conjuguent au fil des pages puisque celui de l’épouse est de passer à côté de sa vie si elle respecte les normes imposées par l’entourage, femme de paysan propriétaire de sa ferme. Elle est silencieuse face à la violence de son mari mais le restera-t-elle ? Comment trouver les mots ? « Elle a des mots, maintenant, pas beaucoup, deux ou trois, ça suffit ; depuis toutes ces années elle a trouvé des mots pour se parler à elle, dans sa peau, de ce qui lui arrive, de ce qui est arrivé dès le début, aussitôt après le mariage. Elle ne dit ces mots à personne, comment les dire, il faut faire semblant devant les gens, tous les autres sont les gens, même sa mère, son père, et ses sœurs. » Comment trouver la force de partir ? « Elle sait que les enfants ont peur. »

Marie-Hélène Lafon montre, avec beaucoup de respect, le carcan que peut représenter la vie au cœur du Cantal. Les jeunes partent à la ville mais ces hommes paysans sont attachés à leur terre. La femme de Pierre finira-t-elle par prendre une décision car continuer ainsi n’est pas acceptable ?

C’est un roman efficace qui nous empoigne pour accompagner cette famille, reflet de bien des préoccupations contemporaines des couples même si quelques évolutions ont eu lieu.

Brigitte Aubonnet 
(05/01/23)



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Lectures








Buchet-Chastel

(Janvier 2023)
128 pages - 16,50 €








Marie-Hélène Lafon

Bio-bibliographie sur
Wikipédia






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