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Marie-Hélène LAFON


Une autre vie


« J’ai toujours connu les photos du service militaire de mon père. Elles flottent depuis longtemps dans ma mémoire.
En 2021, après sa mort, je les ai rassemblées dans une enveloppe en papier kraft. C’était à moi qu’il incombait désormais de les conserver, et la proposition de David Fourré d’écrire pour la collection Poursuites et ricochets est arrivée à point nommé. »

La vie à Casablanca, pendant son service militaire, a permis au père de Marie-Hélène Lafon de quitter son Cantal natal pour vivre, pendant vingt-sept mois, une expérience étrangère à son quotidien habituel. Au Maroc, il était jardinier du Colonel.

Après leur mort, il est toujours émouvant et surprenant de découvrir, grâce aux photos, ses parents dans leur jeunesse. Marie-Hélène Lafon exprime avec beaucoup de franchise ce sentiment particulier.
« Le sourire de mon père me saute à la gueule.
Toujours les traces des corps, des gestes, des voix, des intonations des ascendants dans les corps, les gestes, les voix, les intonations des descendants émeuvent, bouleversent, retournent, me retournent. Ce sont des résurgences, elles me traversent, travaillent, travaillent les textes que j’écris depuis plus d’un quart de siècle ; elles strient les textes, les scarifient, les secouent, les caressent, frémissent dans leurs silences. »

Au fil des photos, se déroule la parenthèse du séjour de son père au Maroc. Marie-Hélène Lafon analyse les clichés et en extrait une sensation de chaleur, une amitié avec son copain Pierre, un moment partagé avec des enfants…

La surprise arrive aussi avec le déguisement inattendu de son père.
« Mon père en travesti. Ou mon père déguisé, pour le dire moins frontalement. Mon père déguisé en femme. En ménagère. En cuisinière. […] Dans l’orbe de la robe de mon père, s’impose le verbe arborer. Mon père arbore une robe. L’attelage est inédit et je renâcle, ça me racle le gosier, ça pourrait ne pas passer, mais ça passe, ça va passer. Je vais gratter cette phrase, la cracher ; je l’ai crachée. Donc mon père arbore une robe ; oui, mais une robe ancillaire, une robe de ménagère, de cuisinière, un tablier de cuisine grimé en robe. Mon père jardinier devient cuisinière, il reste domestique, il reste au service du colonel. »  
 
Marie-Hélène Lafon donne vie aux photos à la fois mystérieuses et explicites. Elle n’avait jamais regardé les albums avec ses parents. « On ne les commente pas ensemble, parents et enfants ; on n’a pas ces usages joyeux, émus et nostalgiques que je connaîtrai plus tard dans d’autres tribus familiales. »

C’est un texte sensible qui s’inscrit dans une exploration littéraire emplie d’un matériau familial rencontré au fil des ouvrages de Marie-Hélène Lafon qui nous régalent à chaque lecture.

Brigitte Aubonnet 
(30/10/23)
  



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Lectures








Lamaindonne

(Septembre 2023)
60 pages - 20 €







Marie-Hélène Lafon

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Wikipédia






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