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Michel LAMBERT

Cinq jours de bonté



>Cinq jours à Ostende. Au bord de la mer. Cinq jours de permission comme à l’armée ou en prison. Pour Raya, ce n’est ni l’une ni l’autre mais une clinique psychiatrique. Le docteur Bernier autorise une sortie de cinq jours mais il faudra rentrer sans faute, avant d’envisager une sortie définitive.
Son mari, Thomas le narrateur du roman, vient la chercher, le cœur battant, plein d’espoir et d’angoisse.
« Je l'ai regardée s'approcher de moi, raide et mécanique, traînant sa valise à roulettes tel un automate aveugle et sourd, et je me suis demandé si son cœur aussi cassait la baraque ou si la camisole des médicaments l'avait transformée en un robot programmé à revenir ici même, dans ce lieu de relégation, cinq jours plus tard, à l'heure dite, l'esprit toujours sage, dressé une fois pour toutes à ne plus penser. À ne plus se souvenir. À ne plus souffrir. »

Depuis qu’elle est hospitalisée, il s’est passé plusieurs événements dans la vie de Thomas.  Cinq jours seront-ils suffisants pour lui en parler ? Doit-il lui en parler ?
Au long de ces cinq jours, il va l’observer, mesurer ce qu’il peut dire.

Thomas et Raya sont mariés depuis longtemps, ont un fils parti étudier aux Etats-Unis. Malgré la maladie (dépression, peurs, colères, crises d’angoisse et de larmes) qui a peu à peu submergé Raya, Thomas reste très amoureux d’elle. Mais la vie de Thomas n’est pas un long fleuve tranquille. Il a un tempérament plutôt vif, parfois excessif, et même colérique. Au volant, il est capable de devenir violent, voire dangereux.
« En peu de temps, la vitesse est devenue vertigineuse, pas loin de 200 au compteur, et bientôt plus encore. Pied au plancher, je frôlais les glissières de sécurité, parfois d'autres voitures qui protestaient par de longs coups de klaxon vengeurs. Les mains crispées sur le volant, les mâchoires serrées, j'avais la trouille au ventre. À côté de moi, Raya me suppliait en pleurant de ralentir. Je l'entendais qui poussait des hurlements de plus en plus désespérés. Mais j'étais prisonnier de cette vitesse, comme autrefois elle était prisonnière de ses crises. Subitement j'ai levé le pied, me suis mis au point mort. La voiture a roulé sur son erre, dérivé vers la droite, d'une file à l'autre, jusqu'à la bande d'arrêt d'urgence où elle s'est arrêtée. »

Avec un pareil tempérament, on sent que le séjour à Ostende va être animé. Restaurer une confiance mutuelle en vue de reprendre une vie commune est un projet ambitieux et ce séjour n’est que la première étape.

Thomas hésite à parler de ce qu’il vit depuis que Raya est en clinique. Ils avaient un niveau de vie élevé. Maintenant il a quitté son emploi et vend des tableaux de sa collection pour conserver leur appartement.  Et puis, il y a les relations amoureuses qu’il n’a pas refusées et l’une d’entre elles notamment, à cause de son contexte, s’est révélée plus sérieuse et le poursuit jusqu’à Ostende.

Comme si cela ne suffisait pas, il y a les amis qu’ils rencontrent par hasard et qui eux aussi sont à Ostende pour le Bal du Rat mort, ce bal masqué et costumé traditionnel qui existe depuis 1898 et crée dans la ville une atmosphère étrange et animée où Thomas et Raya vont essayer de surmonter leurs appréhensions et combler les silences de la séparation.
 
Pendant ces cinq jours, le narrateur ne cesse de s’agiter de jour comme de nuit, même sous une pluie battante, pour essayer de vendre un tableau, éviter une rencontre entre épouse et maitresse, supporter un ami alcoolique installé dans le même hôtel, rendre service à l’hôtesse d’accueil, et diverses impulsions qui l’entraînent dans les rues de la ville dès que Raya s’endort.

L’auteur sait à merveille mettre en lumière les côtés sombres de ses personnages, ceux que les autres ne voient pas, ceux qu’on ne partage qu’au sein d’une relation privilégiée, amicale ou amoureuse. Il choisit ici le difficile moment où deux êtres séparés longtemps par la maladie et l’hospitalisation, se retrouvent, où chacun observe l’autre en se demandant si le lien qui les unissait peut être restauré. Comme dans tous ses romans et recueils de nouvelles précédents, Michel Lambert met en scène avec beaucoup de finesse et de subtilité ses personnages au fil de leurs errances, leurs rencontres, leurs réflexions, leurs initiatives, leurs réactions. Le lecteur les accompagne, les regarde vivre, et tous forment peu à peu une vaste communauté de personnages aux prises avec leur quotidien, leurs souffrances et leurs démons. Thomas et Raya rejoignent aujourd’hui cet univers créé par l’auteur. Quant à savoir si ces cinq jours à Ostende seront vraiment placés sous le signe de la bonté, chacun se fera son idée…

Serge Cabrol 
(05/05/22)    



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Michel LAMBERT, Cinq jours de bonté
Le beau jardin

(Mai 2023)
252 pages - 20 €










Michel Lambert,
romancier et nouvelliste,
a publié dix-huit livres et obtenu notamment le Prix Rossel, le Prix Ozoir'Elles
et le Grand Prix de
la Nouvelle de la SGDL.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia









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