Retour à l'accueil du site | ||||||||
La fraîcheur de sa plume permet à Sylvie Wojcik de faire vivre l’espace, sert au dépaysement, crée une ambiance collant au déroulement du récit. C’est sobre et énergique. « Après un pont de fer au-dessus de la rivière Ness, Aloïs entre dans le vif du paysage : un vallonnement de lande à perte de vue sous un ciel dessiné au couteau ». Les intérieurs ne sont pas en reste et restituent un charme suranné « Les murs tapissés de livres de poche bon marché, usés, écornés, serrés les uns contre les autres sur des planches de bois brut ». Ces détails descriptifs fondus dans le récit, incidemment, donnent l’occasion pour Aloïs d’entrevoir un début de piste. « Il foule le sable blanc mêlé de fines particules noire, s’installe sur un rocher et grignote quelques biscuits […] Il ouvre Le seigneur des anneaux à la page où il s’était arrêté hier. » Mais le vent « s’engouffre entre ses mains et fait tomber le livre sur le sable et tourne frénétiquement les pages […] il découvre une nouvelle page : la première jusque-là invisible, collée à la couverture. Au milieu, un tampon ovale à l’encre violette : Mc Farley Bookshop Inverness ». Dès lors, des sentiers brumeux, se dégage une piste et les indices s’accumulent grâce, entre autres, à ce livre, Le seigneur des anneaux, appartenant au père d’Aloïs. « Ce dernier dépliait avec précaution la carte pliée et collée sur la dernière page ». Un fil qu’Aloïs va tirer et voir la pelote dévider tout un pan de vie cachée par son père et lui faire rencontrer d’autres acteurs. Insensiblement, Sylvie Wojcik, par petites touches précises, orchestre la recherche d’Aloïs en une quête d’identité. Le sentiment de familiarité éprouvé en arrivant à Applecross poussera Aloïs à se remettre en question ainsi que les liens familiaux. On vit une enfance pratiquement heureuse parmi des proches cherchant à nous épargner. Mais sait-on tout d’eux et des efforts prodigués pour nous alimenter en amour ? Applecross est un village perdu au Nord-Ouest de l’Écosse. En gaélique sa traduction signifie le "sanctuaire". Un Paradis bien caché. Il suffit de suivre Sylvie Wojcik pour le découvrir. Elle nous invite à un peu de philosophie, à s’écarter des sentiers battus en faisant un pas de côté comme le fait Aloïs. Il quitte son milieu parisien en se dépaysant à Applecross. Au lieu de rester englué et borné dans son milieu de naissance, limitant son monde à cette appartenance, Aloïs parvient à élargir son horizon et son esprit en essayant de comprendre autrui, de se mettre à sa place. Cette distanciation l’enrichit profusément. Il réussit, finalement, à contempler le monde en spectateur actif et bienveillant et à s’y établir. Un vrai plaisir de lecture. Une fois le livre lu et refermé le propos résonne en nous et nous poursuit. Charge à nous, lecteurs, d’appliquer cette leçon d’une humble sagesse et de remercier Sylvie Wojcik pour son propos efficace et convaincant. Michel Martinelli (24/05/23) |
Sommaire Lectures Arléa (Avril 2023) 152 pages - 17 €
|
||||||