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Folio

(Janvier 2024)
112 pages - 3 €

Charles BAUDELAIRE
(1821-1867)

Le peintre
de la vie moderne

Pour Baudelaire, Constantin Guys est le peintre de la modernité par excellence. Peu connu de ses contemporains, ce reporter de presse, anglais, qui croque la mode des salons, sait rendre le faste de la cour, fixe des instantanés de la vie parisienne ou esquisse des scènes de guerre en Crimée, est, pour le poète, qui se fait ici critique d’art, celui qui sait voir et sait exprimer l’essence de la modernité. Baudelaire va donc confirmer sa théorie sur la beauté en s’étayant sur le trait de Guys qui serait un mélange idéal de ce qui est contingent : la mode, la saison, l’époque, l’actualité, la morale du moment, et l’absolu, l’éternel, l’immuable.
Ce texte paru en trois fois dans le Figaro en 1863 est, sans jeu de mot, toujours d’actualité et peut répondre à notre interrogation sur ce qui est moderne, beau aujourd’hui.

 C’est évidemment bien plus qu’une critique des œuvres de Constantin Guys, c’est aussi une réflexion sur l’art, la beauté. Baudelaire voit Guys comme l’homme du monde au sens de l’homme universel qui comprend le monde et est mené par la curiosité qui est pour le poète le point de départ du génie, rien n’échappe à son œil de ce qui est nouveau pour « dégager de la mode ce qu’elle peut contenir de poétique dans l’historique, de tirer l’éternel du transitoire. »

Baudelaire prête à Constantin Guys, qui serait en quelque sorte le témoin idéal de son temps, le regard de l’enfant pour qui tout est nouveau, pour qui « aucun aspect de la vie n’est émoussé. »

Le poète compare Constantin Guys à Corot. Les deux peintres tracent d’abord les lignes principales, l’ossature, les points culminants ou lumineux de ce qu’ils veulent rendre puis ils se fient à leur mémoire. Ce qui fait lever une œuvre où se mêlent l’évocation et le feu, l’ivresse, la fureur du crayon.

Un essai passionné et passionnant où se mêlent les interrogations de Baudelaire sur l’Art, la Beauté, la Modernité, le Dandysme, la Morale, la Femme. Ce dernier point est savoureux car si la misogynie légendaire du poète s’y déploie forcément le paradoxe de sa théorie sur la beauté comme étant liée à la modernité, à la culture, à la mode, en fait un défenseur acharné de l’apparence, du dernier cri dans le vêtement que l’on doit porter avec maquillage et bijoux. La beauté et la vertu étant culturelles, artificielles. Le mal étant lui, naturel.
 « Le mal se fait sans effort, naturellement, par fatalité ; le bien est toujours le produit d’un art. Tout ce que je dis de la nature comme mauvaise conseillère en matière de morale, et de la raison comme véritable rédemptrice et réformatrice, peut être transporté dans l’ordre du beau. Je suis ainsi conduit à regarder la parure comme un des signes de la noblesse primitive de l’âme humaine. »

Une lecture réjouissante. On pense aux puritains de tout poil qui renvoient les femmes à l’état de nature pour mieux les asservir et les ensevelissent sous des frocs informes. Vive la mode donc et foin de tous ces mortifères !

En relisant cet essai, je ne peux m’empêcher d’évoquer une affiche de mai 68 : une silhouette rouge sur fond blanc court en jetant un pavé. Le slogan encadre l’image : La beauté est dans la rue.

Sylvie Lansade 
(25/03/24)    




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Charles Baudelaire
(1821-1867)


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d’Henri Scepi









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Critique d’art
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800 pages – 15,30 €