26 mars 2016, Arizona, un samedi de Pâques… Et ce vieux colosse dont le cœur claque. Un peu comme une ligne de canne à pêche que la plus vieille truite du monde, la mort, briserait. Et le vieux pêcheur chargé des péchés capitaux que sont pêle-mêle gourmandise, luxure, orgueil, colère, amour de la vie et vie(s) amoureuse(s) de monter, ou descendre ça revient au même, vers le Grand Esprit, à l’intérieur d’un cercle parfait, celui que tracent ses livres et ses chemins. Michigan, Arizona, Montana et aussi ces terres peu connues, celles que hantent les derniers fantômes des derniers Amérindiens qui savaient si bien échanger humanité et animalité, dans cette vision qu’ils avaient d’un monde dont chaque atome, chaque caillou, chaque plante, chaque animal, chaque homme sont des êtres vivants à part entière…

Alors Jim Harrison vivait. Tout simplement. Ça suffisait amplement pour ressentir puis capturer les histoires. Et les remettre au fil des eaux vives d’une rivière. Comme à la pêche alors ? Comme à la pêche quand, après avoir pris suffisamment de poisson pour assurer un joyeux repas, on rend à l’eau, peut-être en remerciement, la dernière truite que l’on vient de capturer. Ce n’est pas un secret, Jim était plutôt récolte de Bacchus que petite fumée du diable même si des fois… Les légendes d’automne ont leurs secrets. Que la raison déplore mais que le cœur aime…

Quant aux autres peccadilles magnifiques qu’il pratiquait, il suffit de lire ses livres pour se rendre compte combien elles ont nourri son métier de vivre et d’écrire. La réalité peut se farder, elle est tapie là, au détour d’un canyon, dans les faubourgs des petites villes où les yeux des voisins t’assassinent sans te tuer, dans le lit de cette femme qui t’offre le monde, dans les traces boueuses d’un bison survivant, dans le zigzag de poussière d’un serpent en maraude. L’essentiel est d’en transmettre quelques fragments. Avec bienveillance, lucidité et astuce. Merci Jim.

Arnaud de Montjoye 
(04/04/16)