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Cesare PAVESE

(1908-1950)


La complexité des sentiments

Le narrateur turinois de « La Plage » est invité par son vieil ami génois Doro à séjourner dans la villa qu’il partage avec sa compagne sur la Riviera ligure. Il observe le couple et plus précisément Clelia qu’il ne connaît pas. La plage de la station balnéaire devient ainsi son pôle d’attraction où il guette les faits et gestes d’une population restreinte (augmentée des seuls Nina, Guido, Berti, Mara et Ginetta) qui paraît mourir d’ennui et de futilité. Peu de choses sont dites car les motivations de chacun sont cachées. Dans l’atmosphère de sable, de soleil et de mer, tous dissimulent une immense solitude, épouvantable neurasthénie qui les tenaille comme un remords. Fin psychologue, Cesare Pavese inventorie tous les non-dits de ses personnages à la manière d’un ethnologue qui fait son « terrain » de la complexité des sentiments, ceux-là mêmes qui lient ou délient les usagers de la plage entre eux. L’écrivain piémontais explore l’incapacité des protagonistes à communiquer : il s’attache à débusquer ce qu’il y a derrière les mots, le bruit, les vacances, les apparences. Il le dit sans mépris, certes, mais avec une ironie grinçante qui n’épargne ni les uns ni les autres des protagonistes. Dense et acérée, son écriture est élégante, nerveuse et efficiente. Elle lui a valu de remporter le prestigieux prix Strega (associé à une liqueur à base de plantes) pour « Le Bel Été » (1949). Le lauréat accueille la distinction avec la dérision qu’on lui connaît : « Le prix, c’est comme toujours ces choses-là - un prix remis parmi les gens qui s’en fichent. » Peu après, il met fin à ses jours dans une chambre d’hôtel turinoise en ingérant des somnifères, laissant à côté de son corps un message griffonné : « Je pardonne à tout le monde et à tout le monde je demande pardon. Ça va ? Ne faites pas trop de commérages. »

Claude Darras 
(18/05/22)    
Cet article est extrait des Papiers collés N°40 de Claude Darras

  • La Plage, par Cesare Pavese, traduit de l’italien par Michel Arnaud et révisé par Muriel Gallot, éditions Gallimard, collection Folio n° 6945, 128 pages, 2021.

Lectures complémentaires (du même auteur, chez Gallimard) :

  • Œuvres, édition de Martin Rueff, traductions de Michel Arnaud, Nino Frank, Mario Fusco, Pierre Laroche, Gilbert Moget et Gilles de Van et révision de Mario Fusco, Muriel Gallot, Claude Romano et Martin Rueff, collection Quarto, 1820 pages, 2008 ;
  • Histoire secrète et autres nouvelles, traduction de Pierre Laroche, coll. Folio, n° 5016, 112 pages, 2014 ;
  • Le Bel Été - Trois romans, traduction de Michel Arnaud, révisée par Claude Romano, coll. L’imaginaire, n° 662, 490 pages, 2021 ;
  • Le Métier de vivre, traduction de Michel Arnaud, nouvelles traductions, révision, préface et notes de Martin Rueff, coll. Folio, n° 5652, 592 pages, 2019 ;
  • Salut Massino, traduction de Nino Frank, coll. L’imaginaire, n° 670, 240 pages, 2015.



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Cesare Pavese
(1908-1950)


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