Éric ASSOUS
Les conjoints
Ainsi vont les couples tantôt sur des rails interminables où chacun
attend son terminus
tantôt à vau-l'eau
Au théâtre Tristan Bernard, Éric Assous avec Les Conjoints
lève le rideau sur deux couples, peut-être serait-il plus juste de
dire qu'il les surprend à un tournant de leurs existences ; à un
moment crucial de leurs relations passionnelles.
Il est nécessaire de savoir que ces deux ménages, par un hasard
singulier, se sont retrouvés pour fêter leurs noces dans la même
salle de banquet que le propriétaire par maladresse avait louée
pour les deux cérémonies
Personne ne se connaît mais
qu'à cela ne tienne on fêtera ensemble cet heureux événement.
De ce quiproquo naîtra une amitié entre les deux couples.
C'est quinze ans plus tard que nous les retrouvons.
Déjà dans sa précédente pièce, L'illusion
conjugale, Éric Assous nous avait entraînés dans les méandres
de la vie conjugale ; dans l'exploration des plis les plus intimes de l'amour
; dans les recoins les plus secrets des êtres aimés.
Dans Les Conjoints, c'est par un éclairage pathétique que
nous devinons celui qui aime, celui qui se croit aimé ; par un éclairage
pathétique que le désordre des sentiments nous apparaît.
Dans ce tranquille désordre soudain tombe du ciel (ça ne peut
venir que de là !) une somme d'argent mirobolante que Bob (Jean-Luc Moreau)
vient de gagner au jeu. Bien sûr il comblera ses amis de dons, bien sûr
il s'achètera maisons et voitures, mais cette manne tombée des
cieux lui permettra aussi et surtout de rectifier sa vie sentimentale. Il peut
enfin (oui enfin !) quitter sa femme dont la corpulence dépasse largement
les limites de son émoi affectif, mais aussi entraîner avec lui
Garance (Anne-Sophie Germanaz) cette jeune femme avec laquelle Xavier (José
Paul) entretenait une relation extraconjugale qui ne le conduit pas outre mesure
à vouloir quitter son épouse Delphine (Anne Loiret).
Par une tirade décapante et sans tabou, Bob explore et dépouille
la vie minable d'amant d'un instant que Xavier propose à la belle Garance
; à cela, lui en homme libre à présent, en homme comblé
autant que son portefeuille bourré comme une outre le prouve, peut offrir
à la jeune femme une existence au zénith d'Hollywood et à
la verticale du nirvana. Ainsi Xavier perdra une amante alors que Bob gagnera
une épouse. Sur la scène le quartet d'identités au potentiel
vivement passionnel s'étire d'un membre à l'autre pour dévoiler
son jeu d'amour et de hasard.
La pièce magnifiquement construite (la mise en scène est de Jean-Luc
Moreau) sur une courte période entre moments présents et scènes
passées, nous dévoile de tableau en tableau d'autres aspects des
relations amoureuses de notre quartet à cur ouvert.
Bien sûr l'argent est là ! L'argent, cet abstrait aux chiffres qui donnent
le vertige, peut tronquer nos illusions, mais face à l'amour il ne devient
qu'un leurre tant pour celui qui le possède que pour celui qui en est
démuni.
Je vous laisse découvrir, en allant voir Les Conjoints au théâtre
Tristan Bernard, dans quel ordre, après avoir été brassés
dans les mains du destin, les dames et valets de cur se retrouveront unis.
Pour ma part, en sortant de ce spectacle je n'ai pu que serrer bien plus tendrement
la main de l'aimée qui m'accompagnait. Quand on a que l'amour
etc.
Un grand chapeau-bas pour les acteurs Jean-Luc Moreau, Anne Loiret, José
Paul et Anne-Sophie Germanaz qui ont porté cette pièce avec un
amour du texte que leur talent n'a pu que transcender.
David Nahmias
(24/09/11)