D’après Madame Bovary de Gustave Flaubert
Texte, mise en scène et jeu au plateau Cendre Chassanne
Co-mise en scène et jeu à l’écran Pauline Gillet Chassanne
Dans le cadre du « Focus Femmes ! », la Maison des Métallos programmait en septembre plusieurs spectacles dont le très intéressant Bovary (Les films sont plus harmonieux que la vie) de Cendre Chassanne.
Cette auteure, comédienne et metteure en scène, s'est emparée du classique de Gustave Flaubert pour en sonder la problématique féministe mais aussi (surtout ?) en souligner la modernité.
Avec l'aide de Pauline Gillet Chassanne (qui donne également corps dans le film projeté à une Emma des plus contemporaines) elle nous propose une mise en scène très moderne qui entremêle des extraits du roman à de la vidéo et de la musique, laissant apparaître les coutures du spectacle qui se construit sous nos yeux.
Car Cendre Chassanne ne pense pas au théâtre pour son adaptation de Madame Bovary, non, ce qu'elle veut c'est faire un film, et pas celui de Chabrol, un film de Truffaut !
Qu'à cela ne tienne, elle lui téléphone, elle lui explique pourquoi il faut qu'il monte ce film, pourquoi lui, comment ils pourraient le faire. Elle fait du processus d'écriture le nœud même d'un spectacle qui se partage, comme le roman, en trois parties se resserrant autour d'épisodes capitaux de l'existence d'Emma. Si besoin elle écrit un mail à Gustave pour lui demander une précision, un avis. Bien sûr il faudra commencer par l'enfance d'Emma, sa rencontre avec Charles. Cendre Chassanne se transforme alors en conteuse et nous nous plaisons à redécouvrir l'histoire de cette femme du XIXème siècle dont les envies, les frustrations, les désirs pourraient tout à fait être ceux d'une femme de nos jours, les nôtres.
François Truffaut disait : « Qu'on écrive un roman ou un scénario, on organise des rencontres, on vit avec des personnages, c'est le même plaisir, le même travail, on intensifie la vie. » Cette citation prend tout son sens au fil de cet enthousiasmant spectacle tant Cendre Chassanne semble vivre avec Emma et permettre la rencontre du public avec cette héroïne.
Le spectacle a été joué à la Maison des Métallos
mais il part en tournée pour la saison 2017-2018
Tournée Bovary : Compagnie Barbès 35
24 novembre 2017 : Noisiel (77) - Auditorium Jean Cocteau, en partenariat avec La Ferme du Buisson, Scène nationale de Marne La Vallée. Tél : 01 64 62 77 00
28 novembre 2017 : Montbrison (42) - Théâtre des Pénitents. Tél : 04 77 96 39 16
14 décembre 2017 : Vaux-Le-Pénil (77) - La Ferme des Jeux. Tél : 01 64 71 91 20
18 janvier 2018 : Wissembourg (67) - La Nef. Tél : 03 88 94 11 13
25 janvier 2018 : Théâtre de Thouars (79). Tél : 05 49 66 24 24
11 février 2018 : Beton-Bazoches (77) - Act’art : Scènes Rurales. Tél : 01 64 83 03 30
16 et 17 février 2018 : Avignon (84) - Théâtre des Halles. Tél : 04 32 76 24 51
23 mars 2018 : Chevilly-Larue (94) - Théâtre André Malraux. Tél : 01 41 80 69 69
KING KONG THÉORIE
D’après King Kong Théorie de Virginie Despentes
Mise en scène Émilie Charriot
Interprétation Julia Perazzini, Géraldine Chollet
Une semaine plus tard, dans la même salle, on se pressait pour découvrir un autre spectacle de ce « Focus Femmes ! »...
Une femme entre sur le plateau vide. Seule face au public, assumant sa fragilité, elle nous raconte sa vie. Son impression de « ne pas vraiment y arriver », sa découverte de la danse et sa rencontre avec Béjart et la classe dominante. Elle sort.
Une autre femme entre sur le plateau vide. Seule face au public, elle nous raconte sa vie. Son désir d'ailleurs, de concerts et de sorties. Son viol lors d'un voyage en stop et le stop qu'elle continue à pratiquer. Ses passes et le moment où elle est devenue Virginie Despentes.
Car c'est bien le texte de King Kong Théorie, véritable manifeste pour un nouveau féminisme que nous donnent à entendre Géraldine Chollet et Julia Perazzini dans la mise en scène simple et sans artifices d'Emile Charriot. Cette jeune metteuse en scène a retenu du pamphlet l'écriture brute et sans pathos de Virginie Despentes qui annonce : « Je ne m'excuse de rien. Je ne viens pas pour me plaindre. »
Et c'est ainsi qu'elle raconte son viol et surtout la façon dont celui-ci l'a construite, comment aux injonctions de la société qui lui expliquait comment elle devait réagir (le nier, aller mal, ne plus sortir) elle a préféré suivre la voix de la féministe américaine Camille Paglia qui valorisait le fait de s'en relever.
C'est ce changement complet de perspective que décortiquent les comédiennes sur scène. Usant d'une récitation simple, sans effets, elles s'approprient le témoignage à tel point que leur propre corps semble se charger de la force de l'auteur, devenir une arme, un détonateur, l'élément déclencheur d'une révolution féministe. Car si, du viol à la prostitution, Virginie Despentes démonte les mécanismes qui enferment la femme dans une vie et des rôles étriqués, elle écrit également pour les hommes, pour ceux qui ne se sentent pas bien dans la virilité que leur propose la société. C'est donc un projet de refonte globale de cette société que propose l'auteur qui ambitionne un monde où l'assignation, qu'elle soit de genre ou de sexualité, n’existerait plus.
Cet appel se retrouve également dans la tribune qu'elle écrira au moment des débats sur le mariage pour tous, six ans après King Kong Théorie, et que cite Géraldine Chollet en préambule de la pièce. Dans celle-ci Virginie Despentes s'en prend à ceux qui œuvrent « non seulement contre l’égalité des droits entre homos et hétéros, mais aussi contre l’égalité des droits entre femmes et hommes. Parce qu’on est bien d’accord que tant qu’on restera cramponnés à ces catégories-là, on ne sera jamais égaux. »
Et dans cette revendication on entend, en filigrane le mot d'ordre, salutaire, qui pourrait résumer ce « Focus Femmes ! » de la Maison des Métallos : « Le féminisme est un humanisme ! »
Le spectacle a été joué à la Maison des Métallos