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L'idiot

d'après
DOSTOÏEVSKI


Au Théâtre 14, même s’il n’en est pas à son premier coup d’audace, Thomas le Douarec ose formidablement l’adaptation théâtrale de L’idiot, un roman majeur de Fiodor Dostoïevski, publié en 1868-1869, sous forme de feuilleton, dans la revue Le Messager russe, avec ce thème singulier : introduire un homme bon et utopique dans la décadente société russe du XIXème siècle.

Le prince Mychkine sera cet homme bon.
Dans le train qui l’amène à Saint-Pétersbourg, il fait la connaissance de deux voyageurs : ce fort en gueule de Rogojine, jeune héritier richissime, et ce roublard de Lebedev. Le prince s’en revient de Suisse où il a été soigné pendant quatre ans pour ses crises d’épilepsie et une étrange maladie nerveuse, une forme d’idiotie… mais tout va bien, il est guéri !
À son arrivée à la capitale de l’empire russe, il se présente chez le général Epantchine. Son épouse est une princesse Mychkine, une supposée parente éloignée. Par ses dons de calligraphiste, le prince séduit le général et entre dans le cercle fermé de la société russe. Chemin faisant, il fait la découverte de l’amour, par le biais de la photo de Nastassia dont la beauté l’époustoufle, même si les yeux de la jeune femme ont la même couleur que ceux d’un condamné à mort qu’il a vu guillotiner à Paris.
Nastassia, en quête de dot, est convoité par Rogojine, mais le cœur du prince balance entre elle et Aglaé, une des filles du général Epantchine.
 
D’entrée de jeu, se donne à voir le tempérament du prince Mychkine en décalage avec ses frères humains. Ses propos interloquent, semblent inappropriés. Il a l’âme d’un enfant.  S’il est doué de qualités morales au-dessus de la moyenne, son innocence et sa naïveté, ayant pour racines une sensibilité d’écorché vif, se heurtent aux connivences matérialistes de la société russe. Si une forme de spiritualité se dégage de ses propos, il semble venir tout droit d’une autre planète.

 Avec ce point de départ, on entre de plain-pied au cœur de la problématique de Fiodor Dostoïevski : l’exploration de l’âme humaine. Déjà, le prince porte les traits de l’écrivain, mais il s’agit pour lui – par la force du texte – d’instiller dans « ce foutoir » d’empire russe décadent, un homme à l’allure christique, chargé de remettre un peu d’ordre et d’éveiller les consciences. Sauf que Mychkine, psychiquement fragile, se prend les pieds dans le tapis de l’amour.
Tout au long de la pièce les mouvements dramatiques sont fabuleux avec un enchaînement de saynètes efficaces écrites sur mesure par Thomas le Douarec. Et si l’on perçoit les émanations de l’âme tourmentée de Dostoïevski, on le doit au jeu des comédiens : juste une énergie, un rythme.
La mise en scène est sobre avec des fonds de scènes aux nuances alternées pour assurer le décor. Les costumes raffinés sont une splendeur d’élégance.

Après le succès du Portrait de Dorian Gray au Lucernaire, qu’Encres Vagabondes avait suivi avec bonheur, la Compagnie Thomas le Douarec déploie ses ailes vers une nouvelle réussite et le Théâtre 14 s’offre une belle affiche avec L’idiot qui tombe à point nommé en ce début de XXIème siècle collectivement déboussolé. Mais le propre du théâtre n’est-il pas justement de nous aider à lire nos mémoires communes et à aspirer à des avenirs plus enchanteurs. Les spectateurs ne s’y trompent pas avec de nombreux rappels.
Un coup de maître !

Patrick Ottaviani 
(30/05/18)    



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Une loge
pour le strapontin













Théâtre 14


20 av. Marc Sangnier
75014 Paris

Location :
01 45 45 49 77



Mise en scène
et adaptation théâtrale
Thomas le Douarec

Avec
Arnaud Denis
Thomas le Douarec
Caroline Devismes
Fabrice Scott
Marie Lenoir
Marie Oppert
Solenn Mariani
Daniel-Jean Colloredo
Bruno Paviot

Costumes
José Gomez

Lumières
Stéphane Balny

Musique et bande son
Mehdi Bourayou

Décor
Matthieu Beutter

Perruques et Maquillages
Stéphane Testu