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Train de Pluie
d'après Daniel Keene
et Gilles Segal
Un jour nous prendrons des trains qui partent
écrivait
avec légèreté Antoine Blondin dans les dernières
lignes de son roman L'humeur vagabonde. À une certaine époque
(une époque pas si lointaine que cela) des trains partaient aussi pour
quelque part, des convois bondés d'hommes, de femmes et d'enfants
pour quelque part
des trains que les gens prenaient parce qu'ils partaient
sans savoir qu'ils n'en reviendraient pas de ce voyage-là.
Bien sûr l'Histoire s'en souvient, l'Histoire (toujours avec un grand
H) ne l'oublie pas.
Pour que l'on s'en souvienne encore, Train de Pluie, le spectacle que
la Compagnie Avril Enchanté nous offre au Théâtre Côté
Cour, une pièce qui rassemble deux textes d'une extrême sensibilité,
une sensibilité à fleur d'émotion : La Pluie de
Daniel Keene (traduction Séverine Magois) et En ce temps-là
l'amour de Gilles Segal.
Les deux personnages sur scène, ne se renvoient pas la réplique,
ils monologuent ; ils racontent leur histoire, des histoires qui ne se croisent
pas vraiment mais qui se font écho.
Catherine Hubeau (le personnage féminin) se souvient de ses gens qui
déposaient entre ses mains ou à ses pieds lorsque ses mains ne
pouvaient plus contenir autant d'offrandes (sic) des objets qu'ils ne pouvaient
emporter là où ils allaient dans ces trains bien trop surchargés.
Ils lui laissaient une part de leur vie. Elle ne se souvient plus pourquoi elle
était là au bord des rails alors que des files humaines s'engouffraient
dans ces wagons. Elle était simplement plantée là près
des rails à cet endroit où le train s'était arrêté
sans pourtant qu'il ne s'y trouve aucun quai de gare. Elle regardait monter
ces femmes, ces enfants, ces hommes, qui souvent lui laissaient une part d'eux-mêmes
qu'ils reviendraient récupérer bien sûr lorsqu'ils reviendraient
à leur retour !
Les gens me donnaient toutes sortes de choses,
toutes sortes de gens toutes sortes de choses
Je ne connaissais pas ces
gens ils me donnaient des affaires avant de monter dans le train
Elle
garde tout cela chez elle, soigneusement. Elle les trie, les range, se désespère
de les voir tomber en poussière, alors qu'aucun de leur propriétaire
ne revient les chercher
Seule la poussière reste !
Tommaso Simioni (le personnage masculin) se trouvait, lui, dans l'un de ces
trains qui partaient
Il avait éloigné ses enfants du lieu
du drame. Nous vivons une époque où l'amour est de rejeter
ses propres enfants. Dans ce train où se mêlaient serrés
les uns aux autres femmes, enfants et hommes, il assiste à la plus folle
des scènes : un homme qui s'adressait à son fils comme si rien
de tout cela n'était réalité, comme si toute cette mascarade
ne ressemblait à rien. Il lui dictait ses devoirs, les devoirs qu'il
devait (qu'il aurait dû) rendre le lendemain matin à son maître
d'école. Dans cette situation tragique où il se retrouvait avec
son fils, il avait choisi la face cachée, le côté le plus
irrationnel que lui offrait la réalité. Par instinct, il ne voulait
pas dévier d'un millimètre de la trajectoire de leur existence
passée. Survivre c'est aussi maintenir à bras-le-corps ce quotidien
qui tente de nous échapper. Fou ! Fou ! répète notre
témoin incrédule. Cet homme est fou
Ainsi, alors
que le train roulait vers ce quelque part, l'homme tentait de propulser son
fils dans l'avenir, dans son avenir, il lui racontait et lui composait son futur
pour oublier que celui-ci ne tenait plus qu'à quelques foulées
de rails, qu'à une poignée de kilomètres vers ce quelque
part où ils arriveraient bientôt
bientôt !
Tommaso Simioni est époustouflant dans son rôle de voyageur de
ce Train de Pluie, témoin de la folie des hommes. Si crédible
qu'il en devient cruel avec les cordes sensibles de nos émotions.
En parlant de cordes justement, un violoniste joué en alternance
par Stéphane Guiocheau et Marc Desjardins ponctue la trame du
texte d'une mélodie aérienne. La musique suspend un instant le
temps, elle devient les poumons de la pièce, une sorte de brise marine
qui rafraîchit nos consciences.
En sortant de ce spectacle, nous ne sommes ni abattus, ni terrifiés,
ni compatissants, nous avons appris que l'humour et l'amour sauvent de tout
et rendent toute chose légère.
David Nahmias
(31/10/11)
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Sommaire
Une loge
pour le strapontin
Théâtre Côté Cour
12, rue Edouard Lockroy
75011 PARIS
( M° Parmentier )
Location :
01 47 00 43 55
Adaptation de
La pluie
de Daniel Keene
(traduction
Séverine
Magois)
et
En ce temps-là l'amour
de
Gilles Segal
Avec
Catherine Hubeau
et
Tommaso Simioni
Violonistes
en alternance
Stéphane Guiocheau
et
Marc Desjardins
Mise en scène
Catherine Hubeau
et
Marie-Laure Speri
Conseiller artistique
Eric Louviot
Scénographie
Michaël Horchman
Lien vers le site
de la compagnie
Avril Enchanté
La pluie
de Daniel Keene
in Pièces courtes 1
Éditions Théâtrales
En ce temps-là l'amour
de Gilles Segal
Lansman Éditeur
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