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Eric Chantelauze
et Samuel Sené
L’Homme de Schrödinger
C’est un théâtre musical rocambolesque, truffé de conjectures mathématiques relatives aux émotions humaines où, au départ de la pièce, Sacha et Sacha enferment un chat de gouttière avec des croquettes et un rien de lait dans une boîte transparente qu’ils recouvrent d’un couvercle.
Il y a Sacha garçon et Sacha fille.
Sacha garçon est un musicien visionnaire épris de physique quantique, qui croit, dur comme fer, qu’il calmera son angoisse existentielle avec ses claviers, sa guitare et ses équations. On essaye de le suivre quand il cherche à mathématiser les émotions avec, complice en fond de scène, un grand tableau noir surchargé de calculs.
Sacha fille, quant à elle, est plutôt paumée ; elle cherche un amoureux, mais ça ne fonctionne pas. Elle le confie à Sacha garçon dans son cabinet de « Mathématiques sentimentales ». Mais, même s’il le voulait, celui-ci ne peut pas grand-chose pour elle, en dehors de faire connaissance.
Et puis Sacha garçon s’enferme dans sa boîte. C’est-à-dire qu’il rassemble des bouts d’estrade et se construit une pièce fictive. Dans sa boîte où, boîte dans la boîte, il y a déjà le chat enfermé qui entend ou pas le bourdonnement insolite et sidérant autour de lui : les claviers, les claquettes, la guitare électrique, la guitare électroacoustique. Est-il toujours vivant le chat ? Est-il mort ? Est-il les deux, selon le concept « d’immortalité quantique » du physicien Erwin Schrödinger ?
Voilà posés les jalons dramaturgiques d’un plateau singulier avec un spectacle drôle et poignant. Juliette Behar et Julien Ratel, comédiens-chanteurs-musiciens, sont, en « Sacha-Sacha », tout à fait dans la bonne tonalité. Ils chantent et dansent. Savent tout faire avec talent. Et l’on se prend à s’interroger sur la mise en équation de nos sentiments. À l’incertitude tapie en chacun de nous. À la nature de la quête de Sacha garçon qui, reclus dans sa boîte, expérimente la roulette russe et tiraille à droite, à gauche, jusqu’à ce qu’il séquestre Sacha fille dans sa boîte pour faire l’amour.
Et puis, il y a des éclipses. Le tableau noir surchargé de calculs se métabolise en une projection de film en noir et blanc où, Ingrid Bergman, explique le film Casablanca, jusqu’à ce le tableau redevienne mathématique.
Et si la boîte du chat – contenue dans la boîte de Sacha, contenue dans la boîte du théâtre de nous autres les spectateurs – n’étaient au fond que le clin d’œil d’une poupée gigogne nous signalant la boîte d’un monde en mutation numérique irréversible.
Quand les deux Sacha, en fin de pièce, soulèvent le couvercle de la boîte recouvrant le chat celui-ci a disparu ! Alors vivant ou mort ? Ou simple « immortalité quantique » ?
Ce spectacle fascinant est complètement à sa place sur les tréteaux novateurs de l’Artistic Théâtre où l’originalité et l’audace des spectacles n’est plus à démontrer… et L’Homme de Schrödinger « matinée de musique métaphysique » est le fruit de l’intrépidité créatrice de ses deux co-auteurs Samuel Sené et Eric Chantelauze complices du compositeur et arrangeur Raphaël Bancou, créateurs de Comédiens ! (pièce ayant remporté cinq Trophées de la Comédie Musicale 2018).
Il y a vraiment quelque chose à ne pas manquer avec ce théâtre pétri d’humour à l’affiche jusqu’en janvier.
Patrick Ottaviani
(19/11/18)
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Sommaire
Une loge
pour le strapontin
Artistic Théätre
45 bis rue Richard-Lenoir
75011 Paris
Métro : Voltaire
Réservation
01 43 56 38 32
L’Homme
de Schrödinger
d’Éric Chantelauze
et Samuel Sené
Mise en scène
Samuel Sené
Avec
Juliette Behar
Julien Ratel
Lazare le chat
Musique originale
Raphaël Bancou
Chorégraphie
Amélie Foubert
Décors et costumes
Isabelle Huchet
Lumières
François Cabanat
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