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Antoine Rault
L'intrus
Dans L'intrus d'Antoine Rault mis en scène par Christophe Lidon,
Henri, un homme d'un certain âge (il a largement dépassé la
soixantaine) alors que la mort se rapproche de lui sans qu'il ne la devine encore,
découvre un soir près de son lit la présence d'un jeune homme
: – D'où sortez-vous ? lui demande-t-il. – Je ne suis pas sorti,
je suis entré. – Par où ? – Par ton cur ! Ce personnage
dont lui seul perçoit la présence n'est autre que lui-même
il y a de cela bien des années. Cet autre lui-même lui dévoilera
qu'il n'a plus que vingt-quatre mois à vivre – deux ans ! – et lui propose
en Méphisto improvisé, un pacte : revivre pour quelque temps dans
les eaux claires et douces de sa jeunesse
goûter à nouveau
quelques lampées de bonheur
en échange de quoi il devra le
suivre à sa mort dans cet ailleurs où il compte bien l'emmener.
Henri, grand spécialiste du cerveau et des méandres de son système,
pense qu'il devient fou. Cette vision ne peut être née de son cerveau,
pas plus que de son cur dont elle prétend être sortie. Sa langue
fourche, Henri énonce des mots pour d'autres, a des trous de mémoire
et, dans une frayeur encore lucide, craint cette maladie que lui prédit
le jeune homme, maladie qu'il connait bien : Alzheimer !
Le dialogue entre Henri, Claude Rich, et son double, Nicolas Vaude, nous entraîne
dans un voyage à rebours le long d'une existence, une existence avec ses
inévitables mensonges, ses actes réussis, ses amours
et bien
sûr ses regrets, ses remords : ne pas avoir su dire je t'aime à
l'être que finalement on aimait, ne pas avoir su suffisamment se pencher
sur son enfant pour lui souffler toute la tendresse que l'on a pour lui.
Ce ne sont pas les autres qui jugent notre personnage, mais lui-même au
travers de l'image du jeune homme qu'il était autrefois. C'est lui qui
s'installe au tribunal de sa conscience pour gratter cette vieille peinture qu'était
sa vie passée et regarder si telle partie ou telle autre aurait un éclat
plus vif s'il changeait les teintes et les couleurs qui les recouvrent encore.
Y-a-t-il en chacun de nous cet Intrus qui attend pour sortir de notre cur
que l'âge nous ait fragilisés ?...
Claude Rich avec ce rôle a trouvé une nouvelle occasion de déployer
tout son talent et la générosité de son art. Il habite avec
une réelle sincérité cet Henri vieillissant. Nicolas Vaude
en Méphisto espiègle nous charme par son jeu qui nous laisse entrevoir
l'humour de la situation. N'oublions pas Delphine Rich et Chloé Berthier
qui interprètent avec bonheur les femmes qui ont traversé la vie
de ce Monsieur Henri ; et Jean-Claude Bouillon, l'ami intime.
L'intrus est une réflexion sur nos existences passées et
sur la possibilité d'y revenir pour corriger telle ou telle erreur ; tels
ou tels errements. Il nous montre aussi que ce possible retour a un prix. Le paradis
se paie cher mais l'enfer peut se négocier pour quelques instants de bonheur.
David Nahmias
(15/11/11)
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Sommaire
Une loge
pour le strapontin
Comédie des
Champs-Elysées
15, avenue Montaigne
75008 Paris
Réservation :
01 53 23 99 19
Mise en scène
Christophe Lidon
Avec
Claude Rich
Nicolas Vaude
Jean-Claude Bouillon
Delphine Rich
Chloé Berthier
Musiques
Michel Winogradoff
Créateur lumières
Marie-Hélène Pinon
Costumes
Claire Belloc
Décorateur
Catherine Bluwal
Albin Michel, 2011
196 pages - 12 €
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