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Michael Frayn
Démocratie
Avec Démocratie, la pièce de Michael Frayn que nous propose
le Théâtre 14, nous visitons une des périodes cruciales de
l'Allemagne de l'Ouest. Sur scène, dix personnages interprètent
les rôles des hommes politiques de cette époque : Willy Brandt (Jean-Pierre
Bouvier) chancelier de la République Fédérale d'Allemagne,
Helmut Schmidt (Emmanuel Dechartre) qui lui succédera, Herbert Wehner (Jean-François
Guilliet) chef du parti, et d'autres. Cette plongée dans les coulisses
de ce panier de crabes nous l'effectuons avec les yeux de Günter Guillaume
(Alain Eloy) conseiller personnel de Brandt et surtout espion de la République
Démocratique Allemande.
Dans un décor sobre, avec pour toile de fond ce qui doit ressembler au
mur de Berlin (d'ailleurs il s'ouvrira en fin de spectacle), nos hommes s'épient,
se trahissent. La politique n'est pas seule présente dans leur jeu, mais
également leurs rapports humains. Günter (le traître) nous dévoile
les faiblesses de son Chancelier : son goût pour les femmes, son penchant
pour l'alcool et les moments où chavire son âme dans des gouffres
sans pesanteur. Il est si proche de lui que sa trahison quotidienne ne devient
plus pour lui qu'un emploi qu'il doit dans l'absolu tenir, surveillé par
la Stasi (service secret de la RDA). Il accomplit son destin. Il respecte pourtant
cet homme qui, sous les flashs des photographes du monde entier, s'est agenouillé
devant le monument commémorant le soulèvement du ghetto de Varsovie,
et cela sans un mot, sans aucun discours du bout des lèvres prononcé,
juste cette génuflexion. Ainsi vont les hommes, pareils à des boules
de billard, ils s'effleurent, se touchent et puis parfois se cognent de plein
fouet. Le Chancelier Willy Brandt, après l'arrestation de son homme de
confiance pour haute trahison, sera contraint à démissionner.
Le jeu des dix personnages est si bien orchestré (coup de chapeau à
Jean-Claude Idée pour sa mise en scène) qu'il ressemble à
un puzzle qui d'une pièce à l'autre, d'une séquence à
l'autre, se reconstitue merveilleusement sous nos yeux.
"Je pense que les êtres humains sont des sortes de démocraties
en eux-mêmes." Nous confie Michael Frayn. A nous de nous poser
cette question, mais il est clair qu'en sortant de la représentation nous
aimerions devenir des Günter Guillaume et observer dans le fond de leurs
verres nos démocraties et les hommes qui les dirigent.
Il est rare d'assister à un spectacle aux accents politiques sans ressentir
de gros sabots racler le sol de nos consciences, les racler si bien si fort que
l'on n'entend plus rien ; Démocratie est une pièce intelligente
qui nous amène à réveiller la nôtre.
Allez donc voir ce spectacle !
David Nahmias
(18/09/12)
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Sommaire
Une loge
pour le strapontin
Théâtre 14
Jean-Marie Serreau
20 av. Marc Sangnier
75014 Paris
Location :
01 45 45 49 77
Une pièce de
Michael Frayn
Mise en scène
Jean-Claude Idée
Avec
Jean-Pierre Bouvier
Xavier Campion
Emmanuel Dechartre
Alain Eloy
Jean-François Guilliet
Frédéric Lepers
Frédéric Nyssen
Freddy Sickx
François Sikivie
Alexandre von Sivers
Version française de
Dominique Hollier
publiée chez Actes Sud
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