Cher Trésor, actuellement à l'affiche du Théâtre
des Nouveautés, nous offre un grand bol de rire en ces temps de morosité.
Le rideau se lève sur un salon peuplé d'uvres d'art aberrantes
: un bar "empilement de pneus", un tableau insensé de clés
plates ou encore un mannequin affublé d'une robe de Marilyn que soulèvent
les souffles d'un vent artificiel.
En cet univers extravagant apparaît François Pignon, chômeur
longue durée. Il garde l'appartement de monsieur Jonville son richissime
parrain.
L'infortuné Pignon est au bout du rouleau. Sa femme vient de le quitter.
Il appelle à la rescousse un vieil ami dans la finance qui ne peut rien
pour lui.
Alors, comment faire pour remonter la pente ?
Lui vient une idée fulgurante, avec la venue du rigide inspecteur des
impôts Maurice Toulouse (interprété par Érich Le Roch) en
quête de son parrain parti en croisière. Pignon demande à
l'inspecteur qu'il le soumette à un contrôle fiscal. En échange,
il le renseignera sur les cachotteries financières de son parrain. Supposé
riche, il redorera son blason. Peut-être finira-t-on par l'aimer ?
Et le stratagème fonctionne.
Les états d'âme manichéens des uns et des autres se mettent
en place avec leur cortège de petites roueries.
La superbe Catherine (interprétée par Alexandra Vandernoot) décoratrice
outrancière de l'appartement du parrain s'intéresse à Pignon
parce qu'il "n'est après tout pas si minable que ça."
Et qui donc sonne à l'interphone ? Oh, mais c'est Marie (interprétée
par Michèle Garcia), son ex-femme, qui passait là par hasard.
Même le voisinage lui rend visite. A l'étage du dessus, des fuites
d'eau font descendre la jolie blonde Olga (interprétée par Irina
Ninova). Elle est russe et les rayons d'une tendre idylle finiront par voir
le jour.
Quel retournement de situation !
Gérard Jugnot, de retour au théâtre, interprète
à merveille un François Pignon turlupin qui pétille et
s'amuse de l'inattendue réussite de sa farce. Après L'emmerdeur et Le dîner
de cons, on retrouve avec plaisir un nouveau François Pignon dans cette belle comédie satyrique écrite et mise en scène
par Francis Veber.
Derrière les pétulances des uns et des autres,
se profile une vision assez déplaisante des rapports humains basée
sur le règne de l'argent. Ah, ces paradis fiscaux ! Tous ces riches qui
outrepassent la morale et se cachent du mieux qu'ils peuvent de par le monde.
Le rythme de la pièce est soutenu. Les entrées, quiproquos, coups
de théâtre sont réglés au millimètre. De multiples
rebondissements sont au rendez-vous avec des ressorts comiques qui, ajustés
au moment où il faut, déclenchent les rires.
Et comme le dit Francis Veber : "Il est important de voir comment un
petit homme dans la foule va devenir quelqu'un d'exceptionnel au fur et à
mesure que se déroule l'aventure
Tout ce que je veux, c'est entendre
le rire de la salle et si je réussis mon coup, mon dieu, quelle joie
pour moi."
Pari réussi.
Un bien sympathique bonheur de scène.
Patrick Ottaviani
(15/03/13)