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de Mario Diament
En cette année 1923, pour leur première rencontre, leur attirance physique, alors que leur intelligence a déjà déboulonné jusqu'au moindre écrou leurs remords, gommera d'un baiser, comme un souffle sur un château de cartes, les convenances de leurs existences passées. L'amour a des raisons devant lesquelles la morale ne peut que s'effacer. Un rapport sur la banalité de l'amour de Mario Diament, qui se joue actuellement au Théâtre de La Huchette, nous entraîne de cette première fusion passionnelle entre Hannah et Martin, de cette première rencontre, tout au long d'une tragédie au cours de laquelle l'amour résistera forgé qu'il est dans sa terrible addiction. Car cette Allemagne au bord du naufrage qui leur sert de toile de fond, qui pèse de tout son poids sur leur conscience, cette Allemagne qui avance le corps transi de misère, la tête lourde d'espoirs relégués aux oubliettes, cette Allemagne qui avance les yeux grands ouverts vers son destin, celui qui se profile, se dessine peu à peu à grands traits, et qui émergera sous l'apparence d'un mirage sous l'apparence d'un Petit-Grand Homme. Hannah est juive. Il n'y a aucun baptême, aucun bain dans les eaux de Lourdes qui peuvent de cette naissance étoilée effacer l'origine. Elle est l'exclue de ce renouveau que des hordes et des hordes de ses concitoyens fêtent de rue en rue. Elle est l'ombre, comme toutes celles de son peuple, qu'un index a désignée comme paria. Vade retro ! Martin, quant à lui, espère une Allemagne unie, il la désire de tout son cur. Il rêve d'une nation enfin fière et libre. Aux élections de 1932 il vote pour le NSDPA auquel il adhère l'année suivante. Le 21 avril 1933, trois mois après l'avènement d'Adolph Hitler comme chancelier du Reich, il est élu recteur de l'Université de Fribourg. Un mois plus tard, il prononce au rectorat un discours qui prouve son attachement aux idéaux de cette nouvelle Allemagne. Hannah Arendt sait tout cela, elle suit le cheminement de son amant, mais son cur ne peut s'allier à sa tête, pour se révolter contre lui elle pense et repense à lui jour après jour, nuit après nuit. Elle se souvient des caresses, de ses mains et ne peut se révolter contre son Martin. Ainsi son amour/passion ne peut que banaliser le mal pour mieux conserver cette chair, cette peau qui l'enrobe. La pièce, au-delà de son canevas cornélien, est d'une sensualité palpable, une sensualité affûtée par les dialogues de Mario Diament et toujours par le jeu de Maïa Guéritte et André Nerman. Un rapport sur la banalité de l'amour nous entraîne dans l'intimité des deux protagonistes, à l'intérieur du huis clos de leur amour. Le décor sobre se transforme (astucieusement) de scène en scène avec les quelques éléments qui le composent. Seul le texte compte ; seul le texte est au centre de la scène. Un texte qui s'adresse simultanément à notre cur et à notre intelligence ; un texte que Maïa Guéritte (Hannah) et André Nerman (Martin) nous offrent avec une puissance de conviction qui les déshabille de leur jeu d'acteur pour les dresser dans la réalité de leur personnage Faudrait-il conclure, après avoir vu entendu cette pièce, que l'amour peut-être immoral comme l'affirmera Hannah Arendt ?... A nous de juger. Un rapport sur la banalité de l'amour est un rare moment de bonheur théâtral et le silence qui couvait dans l'obscurité de la salle durant toute la représentation, un silence tendu d'émotion, s'est brisé à la dernière réplique comme un verre de champagne pour libérer l'ovation qu'il méritait. David Nahmias |
Sommaire Une loge pour le strapontin Théâtre de la Huchette 23 rue de La Huchette 75005 PARIS 01 43 26 38 99 Texte Mario Diament Adaptation et mise en scène André Nerman Avec Maïa Guéritte et André Nerman |
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