Le sujet de la pièce Les (Dés)Héritiers qui se
joue actuellement au Théâtre 13 est pour ainsi dire universel.
Nous avons ici un mort tout neuf dont la fortune est assez importante pour attiser
les convoitises, un testament et d'éventuels héritiers, cousins
plus ou moins légitimes du défunt.
Le rideau s'ouvre sur ce petit monde au retour de la cérémonie
funéraire. Chacun pleure le cher mort et le couvre d'éloges.
On soupçonne déjà que cela ne se passera pas dans la sérénité
attendue car la plume de Branislav Nusic (1864-1938), d'origine serbe, est là
pour gratter le vernis de la nature humaine de nos personnages et mettre toutes
leurs capacités d'hypocrisie et de mensonge à nu. Avec humour
bien entendu car il faut rire de tout.
Nusic, fortement influencé par Gogol, Labiche et Feydeau, déclarait
que son humour en faisant naître le rire sur les lèvres, atténuait
la cruauté de la vie.
Ce qui va corser la situation, dirons-nous banale, de l'ouverture du testament,
se trouve dans l'étrange et cruelle décision du riche défunt
d'ordonner que ce testament ne soit ouvert que 40 jours après son décès.
40 jours !
Imaginez donc ces potentiels héritiers, encore sous le coup de la perte
d'un si proche cousin, devant attendre 40 jours pour connaître la part
de leur butin (sic) ? Que de souffrances s'ajoutent alors à leur deuil
!
Afin d'attendre, et surtout pour qu'aucun objet de valeur ne disparaisse de
la grande demeure du pauvre disparu, chacun décide de s'installer sur
place. Chacun se méfie. Notre famille nous ne la connaissons que trop
bien, elle porte dans ses veines un peu de notre propre sang, donc méfions-nous-en
comme nous pourrions nous méfier de nous-même !
Dans le très beau décor de Daniel Rozier – un mur formé
de portes feutrées donnant sur un salon sobre et sans mobilier –, un
ballet de situations cocasses, d'intrigues acerbes (le dépliant du Théâtre
13 nous prévient qu'il s'agit d'une Comédie à Serbes)
et de rebondissements va nous enchanter par la vivacité du jeu des acteurs
et par le tourbillon des scénettes se succédant pour nous emporter
jusqu'au dénouement que je ne dévoilerai pas ici (si vous ne désirez
pas attendre une quarantaine de jour pour connaître le mot de la fin,
allez voir cette pièce avant le 22 décembre 2013, dernière
représentation).
Il est clair que l'efficacité de cette adaptation est largement redevable
à Ned Grujic pour sa mise en scène.
Si ma préférence va à l'acteur Jean Hache qui interprète
avec un grand bonheur le personnage cynique et autoritaire d'Agaton Arsic, chef
sans procuration de cette tribu de cousins-cousines, il va sans dire que l'ensemble
des interprètes remplit avec perfection et métier son rôle.
Pas une seule fausse note dans la partition du jeu des acteurs.
Coup de chapeau donc à Annick Cisaruk Simka, la femme d'Agaton,
Pascal Ivancic, Mica Stranimirovic, Philippe Ivancic, Proka Puric,
Antonia Malinova, Sarka, Caroline Pascal, Danica, Sacha Petronijevic,
L'avocat, Charlotte Rondelez ou Rosalie Symon (en alternance) Gina
Puric et Jean Tom, Trifun Spasic.
Les (Dés)Héritiers, malgré la gravité de
son sujet : la mort d'un proche, est une pièce dans la veine d'un Feydeau,
elle dégage gaité et hilarité, de quoi éclipser
le temps du spectacle les ombres de la crise qui nous attendent sans même
un rictus d'amusement à la sortie.
Elle nous fait découvrir également un grand dramaturge serbe
dont cette pièce est une création en France, j'ai nommé
: Branislav Nusic !
Vous pouvez sans hésiter vous rendre, pourquoi pas en famille ou entre
cousins, à ce très attrayant (et instructif) spectacle.
David Nahmias
(06/12/13)