On a beau arriver chez soi après une dure journée ; crier en
rentrant : Bonsoir Chérie
Chéri
et puis le
repas terminé se glisser dans son lit contre ce Cher
très
Chère que l'on croit connaître trop bien, sans être finalement
certain d'avoir su évaluer son bonheur.
Nous vivons donc avec ce doute : suis-je ou ne suis-je pas heureux ?
Il nous manque pour répondre à cette question un mètre-étalon
qui saurait mesurer la valeur voire la qualité de ce bonheur-là.
Mais serait-il possible que cet élément, ce mètre-étalon,
qui nous manque pour calculer cette valeur-là, puisse être encore
et toujours : l'argent ?
En avoir ou pas !
Mais à cette question toutes les grands-mères que l'univers a
vu naître nous ont répondu et répété : l'argent
ne fait pas le bonheur ; même si comme le prétendait Coluche :
il vaut mieux être riche, beau et intelligent, que borgne, communiste
de gauche, prostatique et ruiné
La Liste de mes envies qui se joue actuellement au Théâtre
des Béliers Parisiens après avoir triomphé au Ciné
13 Théâtre, nous apprend à nouveau cette leçon.
Adaptée par Anne Bouvier et Mikaël Chirinian du roman de Grégoire
Delacourt dont le succès n'est plus à prouver, cette pièce
nous raconte, comment Jocelyne qui possédait une chance sur six milliards
de naître à Arras ; une chance sur des milliers d'épouser
un homme dont le prénom, Jocelyn, est le sien au masculin ; et surtout
une chance sur 67 millions et des poussières de gagner au loto la somme
de 18 millions et des poussières d'euros, se trouve bien être née
à Arras, être l'épouse de Jocelyn et la titulaire d'un chèque
de 18 millions et des poussières qu'elle a gagné au loto.
C'est tombé sur elle !
Mais cette somme qu'elle n'arrive pas à traduire dans la réalité
de son quotidien, elle ne va pas l'encaisser, de peur que le fragile et modeste
bonheur de son existence ne bascule dans on ne sait quel univers.
Elle dévoilera ce gain, uniquement à son père dont la mémoire
ne résiste au temps que l'espace de 6 minutes, après lesquelles
elle s'efface à nouveau. Autant dire qu'elle ne l'avoue à personne.
Pour interpréter ce conte philosophique Mikaël Chirinian met tout
son talent, il nous dévoile avec tendresse et émotion les doutes
de Jocelyne, ses joies, l'histoire de sa vie passée sans fanfare ni trompette,
et son existence banale et heureuse à Arras.
Seul sur scène, Chirinian, joue avec brio les quelques protagonistes
de cette Liste de mes envies. Un simple changement de ton dans la voix,
un simple accessoire choisi, nous promènent de l'un à l'autre
des personnages que Mikaël manipule comme des belles marionnettes.
Une performance remarquable qui nous tient suspendus aux lèvres de Mikaël
Chirinian durant cette heure de bonheur, celle qu'il nous offre.
Je laisse à ceux qui n'ont pas lu le roman le soin de découvrir
la chute de ce conte qui ne rentre dans aucune morale.
Alors s'il vous reste une heure dans le planning chargé de votre existence,
courez voir La Liste de mes envies
il vous restera peut-être aussi
le temps en sortant de vérifier votre grille de Loto, mais j'en suis
certain avec un tout autre état d'esprit.
David Nahmias
(25/02/14)