Point de départ introductif. En bord de scène pleine lumière,
une cocotte sexy (interprétée par Julie Marbuf) supplie
un directeur de théâtre à l'haleine fétide (interprété
par Jean-François Galleau) de l'embaucher comme comédienne.
Le rideau se lève.
On est en pleine nuit dans la campagne de l'après-guerre 14-18.
Hébété et vêtu de son seul pyjama, le président
de la République Paul Deschanel est assis sur un banc de pierre bordé
d'un lugubre arbre mort. Un peu avant minuit, il est malencontreusement tombé
d'un train. A ses côtés, un infirmier pétomane (interprété
par Éric Mariotto) lit le journal.
Retour sur le directeur de théâtre. Le voilà en compagnie
du dramaturge Georges Feydeau (interprété par Patrick Préjean)
à qui il présente Paul Deschanel. En cette mise en scène
surréaliste, prélude d'une situation truculente, les deux hommes
font connaissance.
Sont-ils aux antipodes l'un de l'autre ? Pas tant que ça !
D'ailleurs, certaines concordances entre leurs vies ne tardent pas à
affleurer. « Ne faut-il pas être un bon comédien pour faire
de la politique ? » Et ne sont-ils pas après tout deux hommes d'âge
mûr chez lesquels on retrouve les thèmes de la crise personnelle
et de la solitude.
Poignant comme un enfant, le noctambule invétéré Feydeau,
grand habitué de chez Maxim's, raconte son passé chargé
d'amours inoubliés au président Deschanel. Les voilà déshabillés
de leur uniforme de prestance. La douleur fière, sur fond de rêveries,
ils se racontent leur traversée de vie et finissent par se prendre la
main.
La pièce écrite et réalisée par Jean Marbuf
témoigne d'une belle ambition : faire se rencontrer le "Mozart du
Vaudeville" Feydeau avec le fantasque académicien président
de la République Paul Deschanel.
Entre vaudeville et politique, les ingrédients du spectacle sont là
: une suite de saynètes qui s'enchaînent et où apparaissent
la cocotte prête à tout pour devenir comédienne et l'infirmier
pétomane qui se verrait bien lui aussi monter sur les planches.
Ces deux-là, plus jeunes, nourris d'illusions, séduisent à
qui mieux mieux le directeur de théâtre à l'haleine répugnante.
C'est mené tambour battant par des comédiens habiles et toniques.
Les décors minimalistes de Jean-Michel Adam et les lumières de
Baptiste Magnien sont juste comme il faut. Ombre et clair-obscur sont en adéquation
avec cette soif de vivre et de renouveau de l'après-guerre 14-18.
Une liberté d'imagination créative, un ton. Pour une comédie
joyeuse et délirante. Jean Marbuf reprend tous ces aspects dans
une mise en scène inventive.
Un bon divertissement.
Patrick Ottaviani
(30/04/14)