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Maïa BRAMI


Tout va bien se passer


Tout va bien se passer rapporte sous forme d’un monologue théâtral le parcours vécu de l'intérieur d’une femme faisant appel à la PMA (Procréation Médicalement Assistée) pour réaliser son désir d’enfant. Le titre est bien évidemment trompeur car c’est plus précisément à partager la confrontation de ses espoirs avec la distance et la froideur de certains praticiens du milieu médical,  des pratiques obstétricales et de la machinerie  hospitalière parfois violentes, qu’elle nous invite. La PMA n’est pas un long fleuve tranquille et il ne suffit pas de faire une FIV (fécondation in vitro) pour avoir un bébé.
Cette histoire autobiographique avait en 2012 déjà pris la forme d’un roman, La vie refusée (éditions de l’Ixcéa), et la pièce en est l’adaptation pour la scène. 

C’est le cri d’une femme blessée et en colère qui de façon bouleversante et poignante nous est ici restitué, nous invitant à nous questionner sur le manque d’enfant mais surtout sur la brutalité et l’inhumanité des protocoles proposés aujourd’hui  pour pallier à l’infertilité et répondre à la fragilité et au désarroi de celles qui y sont confrontées. « Un sentiment de dévastation, d’avoir été éventrée, pillée, volée, dépouillée, trahie. Vous étiez vivante, prête à donner la vie, vous portiez un espoir, vous étiez cet espoir et en l’espace d’un instant, vous vous retrouvez ouverte, abîmée, déchirée, perdue. »
Si la rage transpire au travers des dialogues, il n’y a ici aucune dénonciation et aucun règlement de compte mais plus exactement la libération d’une parole face à un traumatisme pour, d’une façon sensible, interroger et alerter sur la taylorisation d’actes certes médicalement banalisés et standardisés mais personnellement lourds d’enjeux, chargé de stress, intenses et non sans risques. S’y trouve aussi évoqué la dépersonnalisation du sujet et la nécessaire exigence de respect dû à la personne face à la technique et ses failles. Routine, rythme et fatigue peuvent toujours même pour une opération banale conduire à l’accident. Le drame individuel vécu par celle dont la vie même a été fragilisée alors que ses rêves d’être mère semblent s’être envolés, la détermination de la responsabilité entre le médecin animé d’un excès de confiance ou simplement négligent,  la patiente animée par le stress ou aux attitudes maladroites ou à risques, voire celle du hasard, s’avère, plus encore quand la réputation d’un grand professeur se trouve en cause, ardue et  porteuse d’un autre type de violence. Quel est le rapport du corps médical à la douleur et à la dimension symbolique du corps ?

Le travail d’écriture est remarquable, avec des phrases répétées en boucle d’une façon musicale revenant comme des leitmotiv panser la douleur, avec l’omniprésence d’un humour salvateur apte à créer la distance nécessaire avec la situation pour parvenir à la cicatrisation et la résilience. Le texte réaliste et quasi documentaire à son début acquiert alors par sa forme une teinte poétique au fil du récit. La force de vie vient se positionner en contrepoids de l’accablement ou de  la colère pour rétablir l’équilibre intérieur permettant  alors à quelque chose de chaleureux entre amour et espoir de trouver place.

Ce témoignage à la première personne, aussi intime que brûlant d’actualité, semble fait pour nous faire réfléchir à l’identité de la femme, à son désir d’enfant confronté aux progrès de la médecine malheureusement trop peu synchronisés avec l’humanité de chaque patiente, à la maternité mais aussi au manque de respect et aux tabous encore existants quant au corps des femmes.
Les  cinq superbes illustrations couleur imprimées en pleine page venues faire écho au texte ajoutent à l’émotion de cette édition sur beau papier en 150 exemplaires proposée à prix modeste en librairie.
 
Sur un sujet difficile, Maïa Brami nous offre ici un très beau texte de femme qui laisse son lecteur (ou son spectateur lors des représentations offertes dans la tournée 2018-2019 du spectacle mis en scène par Coralie Emilion-Languille & Bruno Fougniès et superbement interprété par cette première), à la fois K.O. et rempli d’espoir. Sensible et percutant !  

Dominique Baillon-Lalande 
(26/07/19)      



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Théâtre








La feuille de thé

(Mars 2019)
40 pages - 12 €













Maïa Brami,

née en 1976, est écrivain, journaliste, photographe et dirige des ateliers d’écriture.


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