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Les Dames
du jeudi



de Loleh BELLON





Elles se retrouvent tous les jeudis après-midi chez Sonia. Devant des petits gâteaux, elles bavardent de tout et de rien, rient aux éclats, plaisantent l’adversité ou se chamaillent avec véhémence. Il n’y a rien de plus classique que ces réunions de sexagénaires identifiées petit à petit par le spectateur comme de sympathiques femmes ayant pété le feu pendant la drôle de guerre avant d’accéder vers mai 68 à l’âge des grand-mères.

Leur solitude actuelle et un bourdon accompagnateur les réunissent d’autant plus régulièrement que leur amitié perdure depuis l’école et que de nombreuses cicatrices partagées nécessitent le baume tranquille de l’évocation. Voire d’une remise en perspective heureusement pratiquée ici par le metteur en scène Christophe Lidon.

Mis à part le souvenir d’engagements politiques révolus ou les inévitables cicatrices du cœur, y compris les délicieux dérapages marginaux, leurs centres d’intérêt du moment ressortent plutôt d’un quotidien grisouille. Le récurrent problème des caveaux de famille où l’on finit toujours par manquer de place le souligne en point d’orgue. En somme, au départ de la pièce, rien de bien théâtral dans leur hebdomadaire rendez-vous.

Cependant, l’environnement de leurs vingt ans inspira avec bonheur la dramaturgie, car si ces amies d’enfance ont connu l’énorme mutation du moment en tant que témoins, elles l’ont également vécu très fort de l’intérieur… dans leur cœur et dans leur chair.

Leurs mamans aux destins planifiés par les hommes d’autrefois avaient évidemment cédé aux traditionnels pièges… de l’espoir un soir et… de l’amour toujours. Elles y ont ajouté les rencontres imprévisibles des époques troublées, le choc des idéologies, les mutations drastiques des us et coutumes comme les séparations des couples, le divorce et l’avortement.

Elles vivaient en fait un XXème siècle catalyseur de toutes ces choses. Cette étonnante période de « remises en questions tous azimuts » les a fait sans doute vibrer intensément dans leur jeunesse mais, présentement, elle en alimente aussi la résurgence. A la façon d’une seconde digestion.

C’est ainsi que la nostalgie persiste et signe dans le rituel du thé sans lait.

Marina Vlady , Catherine Rich et Annick Blancheteau qui redonnent vie aux héroïnes de Loleh Bellon sont parfaites. Au-delà d’une émotion très vite partagée par les spectateurs, elles arrivent à faire sourire dans la connivence – voire rire franchement – tout en évoquant leurs souvenirs et en affichant leurs bleus à l’âme. Les deux hommes qui meublent leur troisième âge, interprétés par Bernard Alane et Grégory Gerreboo, complètent d’une présence légère mais fort efficace ces trois cabossées de l’existence.

Entre la chaleur communicative caractérisant son occupante et un aspect volontairement désuet qui appelle la rénovation des tissus et la peinture fraiche, l’appartement de Sonia servant de décor évident à cette comédie est signé Catherine Bluwal.

Voilà une bien belle soirée du type « douce amère mais drolatique » pour retrouver dès maintenant les tréteaux de la rentrée.

Claude Chanaud 
(14/09/10)    



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Montreurs d'ours














Théâtre de l'Œuvre
55, rue de Clichy
75009 Paris

Réservation :
01 44 53 88 88



Une pièce de
Loleh Bellon

Mise en scène
Christophe Lidon

Avec
Annick Blancheteau
Marina Vlady
Catherine Rich
Bernard Alane
Grégory Gerreboo

Décors
Catherine BLUWAL