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Il faut
Je ne veux pas



Alfred de Musset
et
Jean-Marie Besset

Est-ce que ce titre pour une dramaturgie représente l'affirmation d'un homme plutôt directif à une femme qui ne veut pas l'écouter ? Ou au contraire, autre branche de l'alternative, est-ce que c'est une dame qui veut imprimer sa volonté à un quidam qui la refuse ? Ni l'une ni l'autre, lecteurs d'Encres Vagabondes.

Sur la scène du Théâtre de l'Œuvre, où les problèmes relationnels entre les humains ont été souvent et heureusement disséqués, on va constater que ces deux approches sont purement féminines. La première vue par Musset dans un temps que les moins de cent quatre-vingts ans ne peuvent pas connaître et la seconde suggérée par Jean-Marie Besset qui ressort d'une essence essentiellement contemporaine. Cependant comme le premier est toujours aux abonnés absents, c'est le second qui se révèle responsable de cette juxtaposition de deux termes collaborant très heureusement au titre du spectacle.

En faisant jouer dans la première partie Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée et dans la seconde sa propre création Je ne veux pas me marier, l'auteur et metteur en scène Jean-Marie Besset a observé avec précision les mutations spectaculaires dans les mœurs et les coutumes qui ont progressivement dynamité notre héritage culturel concernant la vie à deux. La passion d'abord qui s'use comme savonnette en usage dans la salle d'eau des amants mais on n'y pense guère quand on vit cette inoubliable pression ; et puis l'union officielle de notre monde occidental qu'enregistre l'État depuis deux siècles et que bénissent les hiérarchies vaticanes ou orthodoxes depuis belle lurette.

L'amour, éternel sujet de nos fixations nombriliques, ainsi que le mariage qui y fait souvent suite sont une éternelle raison pour plus ou moins bien vivre à deux ce qui reste néanmoins encore plus difficile à supporter dans la solitude. Et pour bien saisir le sel de cette originale juxtaposition scénique, il faut rappeler que le poète romantique revendiqua en son temps une liberté d'essence tout à fait novatrice car ses amis, jeunes gens rejetant le classicisme un peu étouffant et désireux de s'épanouir, annonçaient par lui leur doute sur la chose amoureuse, leur interrogation sur l'intérêt du mariage et sans doute, en gestation, le refus de cette éphémère aventure.

Quant à Jean-Marie Besset, il est bien placé pour explorer ce qu'est devenu dans les années 2000 le vieux problème de savoir comment vivre ensemble car il peut témoigner de notre vibratile environnement concernant ce sujet sensible. Dans les deux cas évoqués, l'inquiet Don Juan est toujours en recherche d'une satisfaction de son égo mais la statue du Commandeur s'est quasiment enjuponnée puisqu'elle apparaissait déjà en filigrane sous la longue robe de la Marquise. En effet elle hésite à dire oui au Comte en attendant le mot rassurant de "mariage" pour se préciser sans ambiguïté en Vivien, dans la pièce suivante. La jeune femme libérée de notre temps va refuser effectivement la tutelle d'une tradition masculine la veille de la cérémonie nuptiale. Et pourtant elle est enceinte.

L'éternelle question est posée. Faut-il encore se marier ? L'auteur creuse le vieux dilemme avec bonheur mais nous laisse le soin de trouver notre solution que la liberté des mœurs actuelle a enfin soustrait aux intérêts du précédent siècle. Il donne ainsi à chacun le soin de trouver le ou la partenaire capable de l'accompagner harmonieusement pendant un certain temps… où celui d'une vie. La Rochefoucauld écrivait déjà au XVIIe siècle que c'était rare mais possible.

Le trio talentueux qui défend cette double dramaturgie nous touche, nous émeut et nous coince dans nos égocentriques certitudes, notamment quand c'est le même comédien qui souligne l'homme éternel dans ses désirs de possession. Et ceci dans les deux comédies où la femme étonne par sa capacité de remettre totalement en question ce que les prétentieux d'un système périmé appelaient traditionnellement leurs faiblesses.

Nouvelle musique pour les couples cabossés, Jean-Marie Besset nous donne le la.

Claude Chanaud 
(23/02/12)    



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Montreurs d'ours







Théâtre de L'Œuvre

55, rue de Clichy
75009 Paris

Réservation :
01 44 53 88 88


Textes
Il faut qu'une porte
soit ouverte ou fermée

d'Alfred de Musset
et
Je ne veux pas me marier
de Jean-Marie Besset

Mise en scène
Jean-Marie Besset

Avec
Blanche Leleu
Chloé Olivères
Adrien Melin

Scénographie
Gérard Espinosa

assisté de
Muriel Chircop

Lumière
Martine André

Costumes
Marie Delphin

Son/vidéo
Serge Monségu

Assistant à
la mise en scène
Régis de Martin-Donos

Maquillage/coiffure
Agnès Gourin-Fayn





Texte publié par
L'Avant-Scène Théâtre