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Avignon 2012
ou
Jean Vilar n'est pas mort







Dans l'univers ultra sophistiqué des pièces, officiellement promues "Reines d'un jour" par des gens au savoir élitiste et encensées par des médias au verbe définitif, il est de plus en plus difficile de faire la part de la promotion commerciale. Leurs décibels accompagnateurs, leurs flashs annonciateurs et leurs vidéos intégrées ont perturbé beaucoup de spectateurs avignonnais en ce mois de juillet, y compris au sérieux Palais des Papes. De plus, le constat persiste et signe d'une recherche scénique très éloignée de la tradition, notamment dans ce théâtre "In", au nom d'hypothétiques spectateurs de demain.

Heureusement, par la grâce de la vigilante Maison de Jean Vilar, de la radio France Culture et de Robin Renucci, acteur et directeur des Tréteaux de France, les amateurs présents à ce Festival 2012 jusqu'au samedi 21 juillet ont pu retrouver l'historique et la permanence d'un théâtre exigeant du texte et de ses interprètes. Leurs parrains vont très classiquement de Charles Dullin, Jacques Copeau et Louis Jouvet jusqu'à Vilar et Vitez. Et jusqu'à quelques contemporains aussi doués que ces anciens que je retrouve plus généralement dans le théâtre "Off".

Hommage rendu au Bibi du Chêne noir, mis en scène par Gérard Gelas, et à Ma Marseillaise au Théâtre des Halles, mise en scène par Alain Timar, qui sont d'incontournables comédies contemporaines, j'ai aussi rendu visite à plusieurs salles moins connues mais fort respectables dont le Balcon de la rue Guillaume Puy où cartonne Hitch une excellente pièce d'Alain Riou et Stéphane Boulan avec un Hitchcock aussi vrai que le vrai !

Je n'aurai évidemment pas la prétention d'une synthèse définitive car je n'ai vu qu'une vingtaine de spectacles en tout. Et pardon pour les nombreux théâtres dont je n'ai pas franchi la porte. Néanmoins, j'ai gardé pour conclure des bonheurs de scène qui demeurent à trois niveaux différents.

D'abord, dans le Théâtre Arto, la pièce titrée Trimalcioneide - le gueuleton n'a guère mobilisé le public français mais son titre hermétique y est d'évidence pour quelque chose. Reste que son comédien Eugenio De' Giorgi mérite un bien meilleur sort car ce franco-italien possède le don de se couler dans des tas de personnages avec une maestria prometteuse. Dario Fo n'est effectivement pas éloigné de cet annonciateur d'une nouvelle commedia dell'arte.

Puis j'ai assisté à un rare doublé réussi au Théâtre du Petit Louvre. Dans Motobécane, à la Chapelle des Templiers, Bernard Crombey, à la fois auteur sans fioriture et acteur de forte conviction, arpente une cellule de 9 mètres carrés où il va purger cinq ans, voire plus. Il nous confie sa blessure profonde dont l'authenticité entraîne autant la sympathie humaniste que la critique d'une justice trop expéditive ou trop simpliste. Profondément convaincant.

Et, enfin, dans la salle Van Gogh du même Petit Louvre, trois filles m'ont ému au point que j'ai véritablement pleuré à la fin de leur prestation quand elles racontent, dans Le Peuple de la nuit, le camp nazi où elles vivent la déshumanisation des années quarante. Les fort talentueuses comédiennes, Aïda Asgharzadeh, Magali Genoud et Amélie Manet, me sont apparues là comme trois messagères d'un autre monde, évidemment un totalitaire comme il en reste de par le monde, chargées de nous transmettre le message toujours actuel : attention danger ! Cette émotion à l'état pur est évidemment du très grand théâtre. Il est dû au metteur en scène Franck Berthier qui va à l'essentiel sans recourir aux artéfacts racoleurs.

Claude Chanaud 
(23/07/12)    



Robin Renucci et France Culture au Festival d'Avignon


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www.avignonleoff.com


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