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L'Origine
du monde


de (et avec)
Sébastien Thiéry



Révélation d'un théâtre heureusement novateur et volontiers iconoclaste à la manière de Roland Topor et d'autres subversifs nécessaires à notre équilibre, Sébastien Thiéry a emprunté le titre de sa dernière comédie à la célèbre peinture de Gustave Courbet lequel fut au XIXe siècle, pinceau en main, un énorme provocateur. Il avait effectivement présenté un sexe féminin sans y mettre les draperies qui lui étaient traditionnellement accompagnatrices en invoquant le symbole de la naissance du monde ; mais en même temps il tentait de nous faire voir ce qu'il y a de plus secret dans ce passage obligé par où viennent les enfants et qui devait resté caché au nom d'une lourde tradition judéo-chrétienne.

Sébastien Thiéry campe depuis bientôt dix ans sur les plus prestigieuses scènes de Paris depuis que Jean-Michel Ribes lui a ouvert celle du Rond-Point. Il n'était donc pas étonnant que ces deux inspirés des chemins de traverse s'y retrouvent un jour pour nous présenter ensemble L'Origine du monde, une comédie contemporaine éloignée des consensus mous. Elle s'inscrit dans l'éternel conflit où l'amour et la mort jouent à cache-cache en se faisant des pieds de nez. Mais le rire libérateur jaillit d'abord d'une situation absurde qui demande l'urgence d'un dénouement. En effet un homme qui se découvre mort-vivant est en situation fort inconfortable et la panoplie des solutions imaginées par l'auteur va se situer bien loin des normes habituelles puisque, d'entrée de jeu, elle substitue la prestation d'un marabout africain à une intervention dans une urgence médicale.

Sa pittoresque recommandation pour parvenir à la guérison implique la nécessité d'une maman perdue de vue. Et vous participerez d'un rire géant quand vous apprendrez pourquoi. Mais suspense oblige. De plus cette pièce est aussi infiniment jubilatoire dans son enchaînement de certains souvenirs que, malgré son âge avancé, la vieille dame n'avait pas réussi à gommer et que son fils ignorait. Évidemment. D'heureuses audaces scéniques accompagnent ce parcours de santé rieuse où de braves gens franchissent sans états d'âme les interdits réservés aux choses dites sacrées !

Les cinq comédiens, dont l'auteur fait partie, nous adressent un énorme clin d'œil de connivence qui a fort bien passé la rampe tout en abattant dans l'hilarité partagée de conformistes cloisons. Et le moment étonnant au cours duquel trois d'entre eux se dénudent entièrement est une importante étape dans l'art d'échanger des idées sans que le nu de la circonstance porte à l'ambiguïté ou au graveleux.

Jean-Michel Ribes qui ouvre inlassablement de nouvelles portes pour aérer le théâtre a fait ressortir le côté baroque et décapant de cette comédie par une mise en scène volontairement classique. Y compris décors et costumes qui ont été imaginés à l'unisson de ce contraste pour décrire un univers bourgeois que l'absurde ridiculise.

Véritable bonheur de scène, L'Origine du monde au Théâtre du Rond-Point souligne combien une provocation aussi salubre que talentueuse peut accéder au niveau d'un des beaux-arts. Elle pourrait bien être un des événements marquants de cette nouvelle saison.

Claude Chanaud 
(14/09/13)    



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Montreurs d'ours






Théâtre
du Rond-Point


2 bis, avenue
Franklin D. Roosevelt
75008 Paris

Location :
01 44 95 98 21


Mise en scène
Jean-Michel Ribes

Avec
Grégoire Bonnet
Diouc Koma
Camille Rutherford
Isabelle Sadoyan
Sébastien Thiéry

Décors
Patrick Dutertre

Costumes
Juliette Chanaud

Lumières
Hervé Coudert

Assistante
à la mise en scène
Virginie Ferrere