© Emmanuel Robert

Adultères

de

Woody Allen



Au Théâtre de l'Atelier où trois petits bijoux de scène tiennent l'affiche dans la même soirée, l'humour de Woody Allen assaisonne de nouveau la difficulté de vivre à deux. Ce thème qui lui est cher et que l'on retrouve avec bonheur au travers de ses films et de ses textes s'accompagne ici de toutes les dérives amoureuses contemporaines avec leurs espoirs, leurs excès, leurs phantasmes et de leurs névroses.

Quand les dieux grecs s'ennuyaient dans leur couple olympien, leurs pouvoirs (évidemment surnaturels) permettaient des accommodements à la chose et leurs amours primesautières furent source d'inspiration pour tous les théâtres possibles mais, quand les bourgeois new-yorkais de Woody vivent cette même tentation de renouvellement amoureux, la dramaturgie peut tourner au sordide règlement de compte sur un fond burlesque. Ou à une tragi-comédie qui n'exclut pas le rire libérateur.

Pour les candidats à l'aventure, l'envie d'autre chose débute classiquement par la lassitude insidieuse du quotidien :

"Il faut que je mette fin à mon mariage… j'étouffe… je sombre…"
ou " le mariage, c'est la mort de l'espoir."


Et l'adultère, cette source d'inspiration traditionnelle des dramaturges, prend le relais. Un des héros alléniens en fait une synthèse aussi efficace que cocasse :

"Un appel à l'accouplement, ça annonce toujours des ennuis."

Même processus dans les trois pièces en question dans cette rubrique. La machine infernale étant en place, Woody Allen donne libre cours à une inspiration débridée qui va sans doute vous interpeller pour une part de vous-même, celle qui n'est pas toujours avouée. Et, surtout, par des répercussions inattendues qui font de cette trilogie un très heureux divertissement de cette saison. Au sens fort du terme.

Avec elles, pas de ménage à trois avec un amant dans le placard ! Non. Ici, le rire qui ponctue les scènes est humour avant d'être moquerie opportuniste ou ironie caustique. Et la phase de ces drames qui intervient ensuite dans les arguties des hommes de loi n'échappe pas à ce constat. Aphorisme entendu dans la dernière pièce de la soirée "Central Park West" :

"Il ne faut jamais baiser avec un juriste. Il te coince toujours avec le vocabulaire"

Voilà… tout est dit. Tout est réaliste. Tout est désopilant. Egalement tout est exagéré pour provoquer un rire qui sauve l'humain de ses pauvres prétentions à bâtir un bonheur durable sur un sexe fragile. En sortant de ce spectacle ou la psychanalyse contribue à la "vis comica" au même titre que la mécanique sans faille des enchaînements, l'air célèbre de la "Belle Hélène" me revenait en tête : "Dis moi Vénus… quel plaisir trouves-tu à faire ainsi cascader … cascader la vertu ?"

Offenbach n'avait pas d'explication appropriée. Les trois pièces de l'Atelier n'en ont pas non plus. Mais faut-il apporter au comportement des amants des années 2000, ces paumés occasionnels et néanmoins pitoyables, une cohérence qui ne soit ni ridicule ni désespérée ? Woody Allen met une réponse lucide dans la bouche de Fred, le subtil clochard de "Riverside Drive" :

"La cohérence à tout prix est la marque des petits esprits."

En 2006, au Théâtre de l'Atelier, ça marche fort pour Woody Allen. L'équipe des comédiens est réellement talentueuse et performante. Les spectateurs sont heureux.

Claude Chanaud 
(21/10/06)    



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Montreurs d'ours






Théâtre de l'Atelier


Trois pièces en un acte
19h : Riverside Drive
21h : Central Park West
et Old Saybrook

Place Charles Dullin
75018 Paris

Réservation :
01 46 06 49 24

www.theatre-atelier.com



Mise en scène :
Benoît Lavigne



Avec
Pierre Cassignard
Xavier Gallais
Pascale Arbillot
Valérie Karsenti
Bernard Yerles
Eglantine Rembauville
Fabrice de la Villehervé
et Dominique Daguier






Le texte est disponible
chez 10/18