Cette célèbre comédie de Sacha Guitry, jouée par Claude et Alexandre Brasseur au théâtre Edouard VII, est typiquement le genre de pièce connue qui est promise aux applaudissements d'un large public, souvent acquis d'avance. Elle n'aura pas besoin d'un grand accompagnement de communication pour ouvrir la saison en fanfare, car, elle a été soigneusement montée. De plus, elle s'inscrit effectivement dans une interprétation de bonne qualité.

Malgré la séduction qu'exercent sur moi les dramaturgies contemporaines un peu provocatrices et les cheminements hors des sentiers battus, je dois dire que la première représentation m'a fait vivre une excellente soirée. J'avais pourtant un doute concernant l'addition de ce texte avec des performances de tous ordres et un tandem familial célèbre tant il est vrai que l'accumulation des talents et l'importance de l'investissement ne sont pas toujours couronnées de réussite. Cependant si le contexte d'un univers bourgeois sophistiqué évoque un théâtre assez convenu, la dérision qui imprègne les dialogues tient constamment les bons sentiments en lisière. Et cela souligne combien cette comédie est intemporelle.

D'abord le texte : c'est du meilleur Guitry. Le sujet du couple, bien traité par un expert en aventures et péripéties amoureuses, est, lui aussi, de tous les temps et de tous lieux et la manière de l'aborder dans une relation père/fils a su garder son caractère original. Mais il existe aussi une "brillance de langue" dans ce théâtre-là. Et elle ne s'arrête pas à l'humour des situations ni aux mots d'auteur car nous sommes sous le charme d'un auteur de langue française des plus classiques traitant l'éternel problème du "JE T'AIME MOI NON PLUS" avec une connaissance parfaite de la règle du jeu.

Ensuite l'interprétation : Claude et Alexandre Brasseur, père et fils à la ville, sont vraisemblablement liés par une affection ou une tendresse réciproque. Cela se ressent sur la scène et s'ajoute à leur incontestable talent.
L'ensemble de l'équipe fonctionne efficacement au service des précédents et Chloé Lambert pimente la pièce avec bonheur.

Enfin, la mise en scène de Bernard Murat s'inscrit dans une tradition "bon chic bon genre", mais on lui doit l'hommage dû aux metteurs en scène consciencieux respectant le texte original. Avec lui, nous sommes bien éloignés de certains mégalomanes subtilisant l'œuvre au profit de phantasmes trompeurs. Ainsi, les mots et les phrases de Guitry nous arrivent non pas dans une patine surannée ou une interprétation en volapük mais, pour notre bonheur de spectateur, dans leur intégrité.

Les décors de Nicolas Sire et les costumes de Dominique Borg sont soignés dans les détails et connotés dans les hauts de gamme. A la manière recherchée du Maître dont l'hôtel particulier de la rue Elysée Reclus relevait à la fois du musée et de la scène.

Claude Chanaud 
(17/09/07)