A l'affiche depuis septembre au Théâtre Comédia du boulevard de Strasbourg, la pièce GOOD CANARY connaît le succès. Effectivement, la conjugaison d'un très dramatique sujet, d'un casting réussi, d'une mise en scène percutante et d'un décor fascinant, interroge son public au plus profond et touche, bien avant la fin de l'envoi, si j'ose dire.

Pour lever le voile sur cette amère dramaturgie, il faut préciser que cette histoire d'amour écrite pour la scène va faire vieillir bien d'autres comédies placées sous le signe d'Eros. D'abord les plus simplettes avec happy end automatique, celles où les amoureux conjuguent des "je t'aime" pâmés et déposent au dernier acte leur liste de mariage dans un grand magasin. Mais aussi, des pièces aux dialogues d'une plus contemporaine facture.

En effet, dans celle de Zach Helm, la peinture au couteau d'un milieu new-yorkais brutal où l'éditeur ne lit pas ses auteurs et où la notoriété de ce dernier se mesure en dollars, se substitue brutalement et efficacement à l'aquarelle des échanges romantiques. Violence de l'art brut ou vérité des passions humaines sans fioriture ? Vous choisirez.

Dans cet environnement sans tendresse, les deux amoureux ne vont pas vous ménager le suspense. On peut dire …les suspenses ! Jacques, est constant dans son comportement, c'est un amant fidèle et sans surprise. La surprise est peut être sa constance. Quand à Annie, déchirée et torturée par un abominable secret, elle va couler dans les abîmes des passions impossibles. Drogue et alcool y vont précéder des dérangements étonnants mais pas pour le meilleur. Nous voici donc confronter à une impossibilité d'aimer qui va nous prendre aux tripes. d'autant que, par ailleurs, les éléments d'un bonheur humain n'étaient pas très loin de ce fascinant couple.

Pour notre bonheur de spectateurs, les décors issus d'une osmose heureuse entre le metteur en scène John Malkovich et le décorateur Pierre-Francois Limbosch ajoutent à ce drame ciselé et doivent être loués pour leurs innovations au service de la scène. En effet, ils utilisent des techniques imagières de pointe sur six panneaux mobiles qui réduisent à quelques secondes les changements de lieux ou de scènes et, de plus, greffent sur ce spectacle des éléments d'information et d'ambiance participant efficacement de l'émotion et de son intensité.

Enfin, comme annoncé d'entrée de jeu, l'équipe des comédiens percute fort et de manière homogène. En compagnon du très tendre Vincent Elbaz, vous retrouverez Jean-Paul Muel, réjouissant comédien toujours efficace. A souligner la scène d'anthologie où la talentueuse Cristiana Réali perturbe une réception au cours de laquelle le marketing de l'édition friquée se pare de mondanités intéressées. Du grand art.

Claude Chanaud 
(12/11/07)