Le Caïman

d'Antoine Rault

avec Claude Rich
et Christiane Cohendy




Les états d'âme et les sophismes de certains intellectuels des années cinquante intéressent-ils encore les français ? Oui, si l'on considère que la salle du Théâtre Montparnasse se remplit chaque soir. A moins que le talent de Claude Rich et de ses complices ne soit le véritable moteur de la pièce d'Antoine Rault, Le caïman. Ou que les deux raisons soient au rendez-vous de cette histoire. Voire de l'Histoire.

Mais loin des hypothèses, les faits sont là : la salle est pleine, l'attention est soutenue et les rappels se font nombreux. Sur les planches, un bel homme aux cheveux blancs – Claude Rich – qui pourrait bien être le philosophe Althusser vit un troisième âge difficile. En effet, non seulement il cultive le doute sur ses anciennes certitudes politiques et sur son enseignement aux étudiants de Normale Sup où il fut un caïman* distingué, mais encore il fait des allers et retours séniles entre des réflexions lucides et des dérapages dans de très dangereuses digressions. Ses phobies, ses élucubrations et ses amnésies annoncent de profondes névroses et – vraisemblablement – la progression d'un état nécessitant à terme l'hôpital psychiatrique.

Les exercices de style du professeur nous évoquent la période où les plus distingués des membres du parti communiste camouflaient la dictature sous une savante dialectique et où vingt-cinq pour cent des Français croyaient au petit Jésus soviétique comme les chrétiens croient à celui de Nazareth. D'abord, cet esprit compliqué séduit. Puis il inquiète avant de faire peur : c'est qu'il est capable de tout, ce séducteur au verbe agile. Peut-être du pire ! pense le spectateur qui retient son souffle devant la progression de la dramaturgie.

De même, sa femme – la convaincante Christiane Cohendy – qui, bien plus qu'une compagne attentive, se révèle au cours du dialogue une redoutable rebelle aux ambitions multiples. Servante portant la tasse de thé du Maître sur un plateau d'argent ou garde rouge potentielle, cette épouse effraie encore plus que son ancien mentor car elle a gardé la motivation profonde de sa période révolutionnaire et la violence potentielle de la pasionaria.

Le conflit entre les deux est permanent. Mais dans ce duel à l'intérieur du couple, le célèbre professeur n'est plus qu'un sexagénaire nombriliste et pitoyable. Et son environnement va nous aider à comprendre le pourquoi et le comment de ce drame où la politique sert de fond et la psychologie de déclencheur.

D'abord la sœur du professeur : Tu t'en veux d'avoir écrit ces articles contre les Français qui ont accepté la défaite et l'armistice, parce que parmi ces salauds-là, il y avait papa. Ensuite son psychiatre : Vous savez , les chantages au suicide, j'en ai au moins trois par semaine. Et un ancien élève devenu curé : Votre souffrance vous aveugle (…) et vous passez à côté de la souffrance des autres.

Leurs efforts seront vains. Au cours de l'aveu final de son naufrage, le professeur va vous étonner.

La mise en scène de Hans Peter Cloos accompagne très efficacement un texte sans fioriture. Féodor Atkine, le psychiatre, Hélène Surgère, la sœur, et Nicolas Raccah, le curé, sont parfaits. Claude Rich et Christiane Cohendy vont vous fasciner.

Claude Chanaud 

* Le caïman est le nom familier donné au professeur préparant les élèves de Normale Sup à l'agrégation.



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Montreurs d'ours






au Théâtre
Montparnasse


31, rue de la Gaité
75014 Paris

Location :
01 43 22 77 74


Le caïman

Antoine Rault
d'Antoine Rault

Mise en scène :
Hans Peter Cloos

Décor :
Jean Haas

Costumes :
Marie Pawlotsky

Lumières :
Jean Kalman




Le texte est publié
aux éditions
L'avant-scène théâtre




Pour visiter
le site du théâtre :

www.theatremontparnasse.com