Photo © Philippe Guérillot

Amédée
ou
Comment s'en débarrasser



de
Eugène Ionesco


Les champignons poussent drus chez Madeleine et Amédée, de plus en plus et un peu partout. Parfois, ils en ramassent de pleins paniers.

L’humidité y est sans doute pour quelque chose. Mais il faut aussi beaucoup de temps pour que ces végétaux, sans feuilles ni fleurs, se multiplient d’aussi inquiétante façon. De plus, obstiné et sournois, ce temps qui passe ne saccage pas que leur appartement ; il entame, corrompt et lamine tout ce qui procède de leur vie de couple ; y compris leur amour qui fut jadis d’une intensité adolescente. Dans ces temps où la chanson les berçait de gentilles chimères d’opérette, cerisiers roses et pommiers blancs, ils s’étaient vraiment aimés ces deux-là !

Vieil adolescent, Amédée propose de danser encore sur ces rengaines mais la lucide Madeleine garde les pieds sur terre car elle assume la partie matérielle de leur vie présente et demeure inquiète et fébrile. En effet, le cadavre n’arrête pas de grossir et, tout en augmentant de volume d’une manière fabuleuse, il vient de casser la porte. Pire ! ! ! Son pied pénètre dans la pièce principale !

Aussi imposante qu’une armoire normande, son énorme chaussure s’impose dans l’intimité du couple. Et devant cette irruption dans un quotidien déjà morose le spectateur accompagne leur angoisse de ses propres interrogations. Mais c’est qui… ce mort ?

Une condamnation du destin ? Un décédé bien rancunier ? Une femme jadis tombée à l’eau ?! Un bébé disparu ! ? OU le lourd symbole d’une impossibilité à perdurer ou durer, face au temps qui fait œuvre de décomposition tous azimuts.

Tandis que de lancinantes images de leur passé agitent Madeleine et Amédée, ils s’interrogent. Et sous la houlette très heureusement inspirée de Roger Planchon et de Colette Dompiétrini, nous allons découvrir leur étonnant cheminement entre le réalisme qui oblige et le fantastique qui provoque. Patrick Séguillon, le facteur des deux précédents, répond également – et sous plusieurs masques – à la récurrente question « Comment s’en débarrasser ? »

Schopenhauer qualifiait d’impossible dans la durée l’amour fusionnel et réciproque de deux êtres. « Trop près les uns des autres, les porcs-épics se blessent mais pourtant trop loin… ils meurent de froid. » Alors, que faire des cadavres ?

Il faut voir ou revoir la pièce d’Eugène IONESCO au Théâtre Silvia Montfort.

Claude Chanaud 
(07/03/09)    



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Montreurs d'ours




Photo © Philippe Guérillot

Théâtre Silvia Montfort
Parc Georges Brassens
106, rue Brancion
75015 Paris

Réservation :
01 56 08 33 88



Mise en scène
Roger Planchon

Avec
Colette Dompiétrini
Roger Planchon
Patrick Séguillon








Eugène Ionesco

(1909-1994)


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