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Patrick OTTAVIANI
Le théâtre dans le théâtre pour une mise en abyme de la vie d’un homme qui va mourir et veut s’offrir un dernier plaisir. Très malade, les jambes paralysées, il veut vivre, en chair et en os, comme "pour de vrai", les rêves qui ont habillé son existence. Jacques Dupont, employé retraité de la SNCF à un guichet de la gare Montparnasse, se rêvait Jack le marin, faisant le tour du monde au gré d’aventures fabuleuses. Graziella a préféré ne jamais contrarier son mari et c’est ensemble qu’ils ont concocté ce « jubilé du vieux loup des mers » en embauchant trois comédiens qui vont interpréter le rôle des amis que Jack aurait rencontrés au fil de sa vie tumultueuse. Ni moquerie, ni supercherie, seulement donner la réplique à un homme qui joue à faire semblant, comme l’enfant qu’il n’a jamais cessé d’être. Les comédiens n’ont eu, avec leur contrat bien rémunéré, qu’un descriptif assez sommaire de leur rôle. Pas de texte précis, il faut se glisser dans la peau des personnages et improviser. Karl, dit le Maltais, habillé en Al Capone des années trente, et Dick, le corsaire en costume du XVIIe siècle, se rencontrent dans l’antichambre dès la première scène. On sent que la pièce va osciller entre l’humour et le pathétique. La frontière entre le rêve et la réalité est fragile et la situation menace souvent de déraper, les comédiens doivent parfois se raccrocher aux branches pour ne pas faire capoter la scène. Karl joue bien le jeu mais Dick, irrité par la situation, se livre de temps à autre à des provocations et Graziella doit intervenir pour calmer le corsaire et le maintenir dans son rôle. Le troisième acteur embauché, Régis, arrive un peu plus tard, en costume d’amiral. Il est censé naviguer sur le porte-avions Charles de Gaulle et s’être assagi après les frasques vécues avec Jack de port en port. Les anecdotes vont bon train mais Régis se souvient tout à coup avoir croisé le facteur en arrivant et remet à Jack l’enveloppe qui lui était destinée. C’est une carte de ses anciens collègues de la gare Montparnasse qui casse sérieusement l’ambiance. Toujours ce va-et-vient entre le rêve, le jeu joyeux et bondissant, et la réalité d’une vie ratée, assombrie par la maladie, la vieillesse et l’approche de la mort. La solitude, aussi, parce que Jacques et Graziella n’ont jamais voulu d’enfant, préférant les animaux, chiens et chats qu’ils ont fait empailler au fur et à mesure des décès et dont les dépouilles occupent aujourd’hui tout un mur du salon. Le deuxième acte est d’une autre tonalité. Les déguisements ont été rangés et les comédiens en costume de ville écoutent Jack raconter ses souvenirs de guichetier à Montparnasse, l’incompréhension de ses collègues, voire leur détestation. Dans sa préface, David Nahmias écrit : « Les personnages des pièces de Patrick Ottaviani sont souvent faussement crédules, ils s'investissent dans leurs rêves comme on entre dans les ordres, mais ils gardent au coin de leur regard et aux commissures de leurs lèvres une légère ironie qui sans désavouer leurs extravagantes illusions laisse transparaître une lucidité sur leur réel univers. » Serge Cabrol |
Sommaire Théâtre Le chasseur abstrait 76 pages - 18 € Préface de David Nahmias
Découvrir sur notre site un recueil de nouvelles du même auteur : La peau de votre premier amour |
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