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Maylis de KERANGAL

Jour de ressac


Le dernier roman de Maylis de Kerangal, l’auteure du sublime Réparer les vivants, est un récit original comme on ne peut manquer de les aimer en littérature. Il flirte en effet avec le genre du polar autant qu’avec celui du roman d’introspection et du roman historique. Aucun genre ne prédomine sur l’autre pour autant, l’ensemble permettant au contraire une lecture à trois niveaux, comme si Maylis de Kerangal avait voulu tisser une toile de réponses à l’intrigue initiale. Tout l’intérêt de ce beau roman est d’ailleurs là : nous entraîner dans une quête où la vérité est à multiples faces, à multiples strates.

Mais cette intrigue, quelle est-elle ? Un jour, la narratrice reçoit un appel d’un officier de police l’informant qu’il aimerait l’entendre « dans le cadre d’une affaire la concernant ». L’homme n’en dit pas davantage ou si peu : un inconnu est mort sur la voie publique au Havre. Elle doit venir fournir des informations sur lui.

On peut imaginer la stupéfaction de la narratrice, stupéfaction qu’en tant que lecteur nous partageons aussitôt, ce qui nous embarque immédiatement dans le roman. Ce que l’on ignore encore, c’est que la narratrice a été interpelée par un mot de l’officier de police : Le Havre. Le Havre, la ville où elle est née, où elle a grandi et où elle a vécu son grand amour de jeunesse. Le Havre, un nom qui soulève en elle des émotions oubliées ou refoulées et que le retour va réveiller tout à fait.

C’est ainsi que l’on va circuler dans le présent et le passé du Havre. Le passé de la narratrice dans la ville mais surtout le passé de la ville elle-même. L’histoire de ses ruines durant la Seconde Guerre mondiale. L’histoire de sa reconstruction. Finalement de sa mémoire. La ville devient au fond l’un des personnages du récit, au même titre que deux jeunes Ukrainiennes que la narratrice rencontrera, ces femmes qui connaissent au présent la désolation de la guerre et cherchent à la fuir en Angleterre. Au même titre que la sœur d’une vieille amie qu’elle croisera, ou des fantômes qui, ranimés en elle, la feront sortir du trouble dans lequel elle vit.

Car la narratrice, le récit le révèle au fil des pages, traverse une crise personnelle : doubleuse au cinéma, elle a l’impression de perdre sa voix, autrement dit son idendité, ses repères. Le Havre lui permettra-t-il de les retrouver ? Ce mort inconnu sera-t-il le moyen pour elle de se reconnaître ?

D’une intrigue policière, on le voit, le roman converge vers l’intériorité. Aussi peut-on dire que Jour de ressac est un polar intimiste. Un polar intimiste réussi par sa subtilité, celle notamment de son final, lui qui nous montre que, peut-être, il n’y a jamais de fin.

Isabelle Rossignol 
(02/09/24)    



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Verticales

(Août 2024)
248 pages - 21 €







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