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Jean-Pierre ROCHAT


La plage des pauvres


Nous avions eu un très grand bonheur à lire les précédents livres de Jean-Pierre Rochat, La clé des champs, Les mots comme des lapins lâchés dans la nature, Le bouc, qui nous faisaient découvrir l'univers des villages du Jura bernois mais aussi les colères, le désarroi du paysan qu'il fut.  Avec La plage des pauvres, nous retrouvons cet univers cher à l'auteur et son style si singulier, son style unique reconnaissable dès les premières lignes...

Dans ce recueil d'une trentaine de courts textes le lecteur est transporté dans des moments de vies où le passé et le présent s'entrecroisent, des 'vies minuscules' où le caractère dérisoire de certaines anecdotes ou de rencontres est magnifié par l'auteur. Ainsi, d'un texte à l'autre nous retrouvons Jean Rochat dans un village témoin d'un accident comme par exemple Je pouvais pas la laisser là :
            « Elle chantait à tue-tête sur son vélo, il faisait nuit entre deux réverbères, tout d'un coup le vélo s'est cassé la figure et la voix s'est tue. Je suis allé voir. Elle était couchée sur le dos, pas belle à voir. J'ai demandé si ça allait Madame ? Elle m'a souri, la bouche pleine de sang, elle a dit : Oh mon mari ! c'est tellement gentil de venir me chercher à ma sortie de prison ! J'ai dit : le vélo est raide. Peu importe, j'en piquerai un autre, oh mon mari j'ai tellement pensé à toi en prison ! Mais je suis pas votre mari. Farceur ! elle articulait pas bien, c'était plutôt : farfeur ! »

Ou en proie à des rêves fous dans La soupe populaire :
            "Avec mon pote nous envisageâmes de cambrioler une banque. Tous deux fauchés à la limite de l'indigence, on se dit, tout ce fric, ces montagnes de fric, et nous ? Que des miettes. En considérant notre plan on a bien dû admettre que nous n'étions pas à la hauteur des techniques de sécurité moderne, déjà la caméra de surveillance nous rigolait au nez, c'est qui ces deux clowns à l'entrée ? ."..

Nous le retrouvons aussi dans son univers familier de paysan dans Le dernier journalier où fusent des mots savoureux :
            « Il creusait la gentiane, nouait des fagots de branches, fabriquait des balais de dards de sapin, bricolait un alambic avec une vieille chaudière à linge, c'était le dernier journalier. Après on a eu des hippies, des civilistes, des stagiaires, des Roumains, des anthroposophes, mais des journaliers après lui c'était fini. On l'appelait le Vieux, parce qu'on était encore jeune. Enchapeler une faux, aiguiser une lame de scie, choisir le tronc pour creuser un nouvel abreuvoir, réaliser un trabeutchin sans clous, c'est lui qui m'a montré. »

De textes en textes nous entrons dans l'univers de l'auteur, passant de rencontres avec une bergère à la recherche de ses moutons à des réunions communales ou à des séances de dédicaces ou bien encore à l'éloge de la poésie :
            « Il reste la poésie, c'est le moment d'attaquer, de front, pas juste quelques vers et puis s'en vont, tous ces recueils, souvent dédicacés, empilés pour l'éternité, ben non, on y revient, on touche, timidement, on respire sans aspirer la poussière, une poussière poétique, un soupçon de nuage dispersé, absorbé par l'atmosphère lyrique. Absorber les rimes, les pieds dans l'eau de la source des mots. »

Avec humanité et humilité, avec humour et poésie et dans un style incomparable, les textes de Jean-Pierre Rochat sont toujours un bonheur de lecture.

Yves Dutier 
(07/03/24)    



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Lectures








La Chambre d'échos

(Février 2024)
84 pages - 14 €







Jean-Pierre Rochat,
né en 1953 à Bâle, paysan et écrivain, a déjà publié une vingtaine de livres.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia






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de Jean-Pierre Rochat :

La clé des champs

Le bouc

Les mots comme des lapins lâchés dans la nature