Domenico Cimarosa (1749-1801), musicien et compositeur, ami de Mozart et Haydn, est en prison. En janvier 1799, il a soutenu la République parthénopéenne instaurée à Naples et même écrit la musique d’un hymne révolutionnaire. Quand le roi Ferdinand IV a repris le pouvoir cinq mois plus tard, les républicains qui n’ont pas réussi à s’enfuir ont été arrêtés et pour beaucoup exécutés. Cimarosa s’est caché quelque temps mais il a fini par être emprisonné à son tour et attend maintenant d’être fixé sur son sort : exécuté comme tant d’autres ou libéré grâce aux appuis qu’il peut encore espérer dans plusieurs cours européennes. Pour occuper son temps et tromper son angoisse, il écrit et ce roman est donc une alternance entre les chapitres au présent où il évoque sa situation actuelle, ses craintes et ses espoirs, et les chapitres au passé où il reprend la chronologie des faits depuis ce 21 janvier 1799 où les Napolitains, ivres de joie, fêtaient la victoire de leur révolution dix ans après la grande sœur française. Le France n’est pas pour rien dans l’instauration de cette république qui porte le nom de Parthénope, la sirène qui se serait noyée dans la baie de Naples après avoir échoué à séduire Ulysse. En effet, c’est l’armée française qui s’est emparée de la ville et le général Championnet qui a proclamé la république. Mais l’armée français appelée sur un autre front quitte Naples et le roi Ferdinand IV, avec l’appui de la flotte anglaise, a repris le pouvoir le 24 juin. Ce sont ces cinq mois de rêve, de lutte et de bonheur que Cimarosa revisite dans sa cellule avec par moments, quelques incursions dans un passé plus ancien… Cimarosa raconte aussi des moments de bonheur quand ses opéras étaient joués à Vienne ou ailleurs, devant Catherine de Russie ou l’empereur Léopold II, qu’il était devenu la coqueluche des salons les plus huppés, et qu’il passait du temps à Prague avec Mozart et Haydn, fréquentant la même loge maçonnique. Mais ce qui est plus particulièrement au cœur du roman, c’est sa relation avec Eleonora di Fonseca Pimentel, poétesse acquise aux idées révolutionnaires, devenue une figure déterminante de la jeune république, participant à toutes les réunions pour y développer ses conceptions égalitaires, progressistes et féministes. Cimarosa revient aussi sur sa vie conjugale et amoureuse. Après le décès de Costanza, sa première épouse à 22 ans, il a épousé sa sœur Gaetana avec qui il a eu un fils mais elle est morte, elle aussi. Dans la famille Pallante, ne restait plus que la mère, éplorée. « La signora Pallante, fut si affligée par la mort de sa deuxième fille qu’elle ne put rester seule, étant déjà veuve. Sa douleur fut encore plus intense que la mienne ou du moins plus désespérée. La voyant proprement dépérir, je lui proposai d’habiter chez moi. Peu après, ne constatant aucune forme d’apaisement, je finis même par lui offrir mon lit pour la réchauffer contre mon moi et chasser ce grand froid intérieur. Mais cela ne suffit pas à la consoler et elle mourut à son tour peu de temps après. » En marge de sa vie conjugale, il a besoin de relations avec des « chanteuses prodigieuses pour ressentir ce désir irrépressible de composer des airs d’une virtuosité rayonnante. Antonietta me donnait l’envie d’écrire, sans effort, elle était la source claire et tout en découlait. Les notes s’alignaient d’elles-mêmes sur la portée, j’avais dans l’oreille sa voix exquise et j’écrivais un duo exquis avec l’accompagnement adéquat. » Après Antonietta, il y a aussi eu Sapienza, une histoire qui a failli mal finir parce que la jeune femme avait oublié de lui parler de son mari jaloux qui a provoqué Domenico en duel. Courageux mais pas téméraire, le musicien est parti en voyage dès le lendemain. « Par un pur hasard, et Dieu sait que je n’y suis pour rien puisque j’étais à ce moment-là à Venise, le marquis mourut lors d’un autre duel. Sapienza le pleura vivement et me demanda de l’accompagner aux funérailles. Je ne pus le lui refuser. » La révolution, la république, la prison, la musique, l’amour et l’amitié, beaucoup de thèmes traversent ce roman passionnant qui nous emmène à Naples à la fin du XVIIIe siècle aux côtés d’un musicien moins célèbre que Mozart ou Haydn mais dont la centaine d’œuvres (dont soixante opéras) a marqué le monde de la musique, certaines d’entre elles figurant au catalogue des maisons de disques et plateformes de téléchargement plus de deux siècles après la mort du compositeur. Une belle postérité à laquelle Elisabeth Motsch ajoute aujourd’hui une contribution très réussie. Serge Cabrol (19/11/21) |
Sommaire Lectures Le chant des voyelles (Novembre 2021) 116 pages - 16 €
Pour visiter le site de l'autrice : www.elisabeth motsch.com Retrouver sur notre site un autre roman d'Elisabeth Motsch : La bécassine de Wilson |
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