Retour à l'accueil du site






Avignon 2018

Quelques spectacles
à retrouver en tournée






Chili 1973. Rock around the stadium (Quand le foot et la musique deviennent des instruments du pouvoir) de Hugues Reinert
Interprètes : Hugues Reinert, Kevin Lequellec
Mise en scène : Hugues Reinert

Nous venons de vivre plusieurs semaines dans une ambiance de foot et cette pièce de théâtre musical non fictionnel nous donne une toute autre vision de cet évènement mondial.

« Chili – 11 septembre 1973 : Pinochet prend le pouvoir par les armes. Le lendemain, le stade de football de Santiago, l’Estadio Nacional, devient un camp de concentration : 12 000 personnes y seront internées. Pour couvrir les cris des détenus, Pinochet fait diffuser de la musique dans les haut-parleurs du stade : pas de marches militaires, mais les Rolling Stones. 1973 est également l’année des éliminatoires pour la coupe du monde de foot 74 en RFA. Le Chili doit affronter l’URSS dans un match de barrage prévu le 21 novembre à l’Estadio Nacional alors que celui-ci est encore rempli de prisonniers. L’URSS refuse de jouer. Le match va-t-il avoir lieu ? »

Sur scène, deux comédiens, le récitant-conférencier avec une guitare et un musicien avec une batterie pour montrer ce lien terrible entre la musique, la dictature et le foot. En effet, beaucoup de dictatures utilisent le sport pour souder les peuples. Les démocraties ne sont pas en reste. La politique s’invite sur les stades de foot.    

L’histoire du Chili et du coup d’état qui a renversé le gouvernement socialiste de Salvador Allende nous reviennent ainsi terriblement en mémoire ainsi que le rôle de la FIFA qui « envoie deux délégués sur place pour se rendre compte de la situation. Leur rapport est à la fois rassurant et surréaliste : Nous avons trouvé que le cours de la vie était normal, il y avait beaucoup de voitures et de piétons, les gens avaient l’air heureux et les magasins étaient ouverts. »
La FIFA a donc considéré que le match pouvait avoir lieu.

C’est une pièce qui montre à quel point l’architecture d’un stade peut être concentrationnaire. Les images, la musique avec guitare, batterie, synthé…, des conférences spectacles, des ciné-concerts, des interviews, des récits, des documentaires et le théâtre se mêlent pour dérouler l’histoire du Chili, de la dictature, des épisodes monstrueux où les prisonniers politiques entendaient jouer les footballeurs au-dessus d’eux avant d’être de nouveau torturés par leurs bourreaux.

« Ce sont certainement les dictatures qui ont pris le plus vite au sérieux le football, devenu outil de propagande idéologique mais aussi instrument de cohésion sociale et d’identification nationaliste. »

C’est une pièce magnifiquement jouée et terriblement d’actualité qui nous questionne sur la récupération politique du sport.  

Site de la compagnie : www.escabelle.com



Gibraltar par la compagnie Marbayassa du Burkina Faso
Interprète(s) : Bachir Tassambedo, Jules Soguira Gouba
Mise en scène : Guy Giroud

Guy Giroud a immédiatement adhéré lorsque les deux comédiens lui ont proposé ce projet, basé sur le corps, osmose de chorégraphie et de théâtre… « Dans l’écriture de cette pièce j’ai voulu, par les mots et le rythme, témoigner de la force des personnages et de la violence des situations qu’ils subissent. »

Les deux comédiens, Jules Soguira Gouba, comédien au Burkina et formateur dans la compagnie Marbayassa et au Centre de Développement Chorégraphique, et Bachir Tassembedo, comédien-danseur-chorégraphe ont rencontré Salif dans les rues de Ouagadougou. Salif est un jeune qui veut quitter le Burkina Faso pour aller en Europe comme beaucoup de jeunes africains. Le spectacle est donc parti d’une histoire vraie pour devenir universelle car la crise migratoire est omniprésente des deux côtés de la Méditerranée.

Jack, le père de Salif, n’est pas d’accord avec ce projet. Pour le dissuader, il lui raconte comment il a aimé passionnément sa mère et comment s’est passée sa naissance car Salif s’est toujours senti exclu par rapport à ses frères et sœurs. Cela permet de bien percevoir les rapports entre les parents et les enfants en Afrique ainsi que les relations entre les différentes ethnies.

Moussa, un boutiquier qui vend une multitude de petits produits, essaye aussi de dissuader Salif de partir. En effet, il a tenté d’aller en Europe et il lui raconte son périple dangereux et pourquoi il est revenu à Ouaga. La danse participe au récit puisque les corps au rythme de la musique viennent se heurter aux barbelés érigés aux frontières de l’Europe.

Bachir Tassembedo souligne et déplore : «Nous les jeunes de Ouaga, quand on cause, il y a beaucoup d’entre nous qui disent qu’ils ont envie de partir. Même s’ils ont du boulot, ils rêvent de partir. J’en connais plein qui avaient un boulot, un salaire qui parlaient de partir et qui sont effectivement partis ». 

C’est une très belle création artistique avec deux comédiens passionnés et talentueux pour parler d’un sujet bien préoccupant car beaucoup y perdent la vie.

Site de la compagnie : www.compagnie-marbayassa.com



J’entrerai dans ton silence de Hugo Horiot et Françoise Lefèvre.
Interprètes : Camille Carraz, Fabrice Lebert et Serge Barbuscia
Adaptation et mise en scène : Serge Barbuscia

Dans le spectacle, nous suivons le parcours de deux personnes, la mère et le fils. Julien est autiste (Asperger) et sa mère essaye de le comprendre. Comment vivre dans un monde déconnecté des autres, dans un monde à soi ? La mère guette chaque signe, cherche à interpréter chaque geste de Julien qui ne parle pas. À son tour et malgré lui, Julien aspire la mère dans son monde. Ensemble, ils vont tenter de trouver comment communiquer et résister aux autres : ceux qui jugent, ceux qui savent mieux, forcément, ceux qui condamnent, ceux qui maltraitent…

Dans son livre, L’empereur, c’est moi, Hugo Horiot explique justement :
« À tous ceux qui ont tenté de m’emmurer vivant dans mon silence de mort à jamais. À tous ceux qui ont voulu m’enfermer dans leurs prisons de verre et leurs salles capitonnées. À tous ceux qui ont voulu m’assassiner et sacrifier ma mère sur l’autel de l’ignorance et de l’obscurantisme. À tous ceux qui se drapent d’un savoir sans autre fondement que le dogme. [...] Je dis NON. Non je n’ai pas été trop aimé par ma mère. J’ai été aimé. Et j’ai aimé en retour. »

Ce spectacle révèle la transformation progressive, mais pas toujours linéaire de Julien vers Hugo. Hugo peut parler, devenir écrivain et comédien. Il s’inscrit dans la « normalité ». Julien ne peut pas, il ne doit pas. Julien suit des règles absolues, immuables, sans nuances. Il comprend le monde à partir de sa propre personne. Sa pensée fuit en arborescence, et peut arriver jusqu’au centre de l’univers en partant de son propre ventre. Le changement est insoutenable pour Julien, s’il veut rejoindre le monde de sa mère, il doit devenir un autre. Ainsi renaît Hugo.

Dans ce parcours, Julien est accompagné par sa mère, Françoise Lefèvre, autrice, dont nous avons présenté un entretien dans le numéro 15 d’Encres Vagabondes. Elle a parfois du mal à comprendre son fils, elle se bat  contre les institutions, elle doute. Elle voit bien que son fils sait des choses, est doué et ingénieux. Les autres ne sont pas de son avis.  Elle est seule à le porter. Heureusement qu’Hugo réussit…

L’isolement des personnes autistes et de leur entourage est bien rendu tout au long du spectacle.  C’est une remarquable pièce sur le droit à la différence, le combat que cela engendre pour exister avec ses particularités et ses richesses. C’est une très belle performance de la comédienne et des deux comédiens qui rendent avec beaucoup de justesse et d’émotion les étapes de ce très long combat. Cela nous rappelle qu’il y a plus de trente ans, les mères d’autistes ont été beaucoup culpabilisées concernant l’origine des problèmes de leur enfant.

Peu à peu le regard porté sur les enfants autistes et leurs parents a quand même progressé malgré de nombreuses résistances mais il y a encore beaucoup à faire. Il y a de multiples manifestations de l’autisme avec des évolutions différentes. Certains enfants accèdent au langage oral et écrit, d’autres non.

Françoise Lefèvre a toujours cru dans les capacités de son enfant et elle a consacré toute une partie de sa vie à l’accompagner dans ses apprentissages et dans la construction de sa relation aux autres. Hugo a mis longtemps à parler et à communiquer mais Françoise Lefèvre ne s’est jamais découragée. C’est un superbe témoignage chargé d’humanité.

Nous avons également chroniqué un autre livre d’Hugo Horiot, Carnet d’un imposteur (Edition L’iconoclaste, 2016).

Site de la compagnie : www.theatredubalcon.org



Possession de Violaine Fimbel
Interprètes : Marianne Durand, Marjan Kunaver
Mise en scène : Violaine Fimbel

Ce spectacle de marionnettes très original nous permet de pénétrer dans le monde de la folie. La lumière joue un rôle essentiel en éclairant les différentes facettes des visages. Un  même visage peut paraître inquiétant ou tout à fait banal. Comment résister aux démons qui peuvent envahir un être ? Est-ce possible de renaître autre ? La musique et les bruits aux limites de la douleur montrent à quel point un être peut-être submergé par les maux, les terreurs, les monstres dont il n’arrive pas à se débarrasser.

Les objets jouent un rôle important.
Un livre s’ouvre pour dégager de la fumée, les brumes du désordre mental ?

Un animal, peut-être le Jabberwocky du poème de Lewis Carroll dont Antonin Artaud a réalisé une traduction de la première strophe, prend du volume pour accoucher d’un être angoissé et inquiétant.

Une langue inconnue égrène quelques termes en alternance avec une voix off sous-titrée. Le texte est limité pour ne pas perturber les sensations ressenties. 

C’est un spectacle qui poursuit, auquel on continue à penser, car il interroge sur la folie, ses manifestations, ses perceptions visuelles et auditives. On ne peut rester indifférent, cela dérange ou passionne.

Un grand miroir renvoie l’image des spectateurs qui n’auront pas la possibilité d’aller complètement de l’autre côté du miroir et ne verront pas les marionnettistes. Le mystère de la folie ne sera que partiellement dévoilé tant cela reste une expérience propre à chacun mais c’est un grand moment de partage émotionnel.

Site de la compagnie : www.compagnieyokai.com



Au bout du comptoir, la mer ! de Serge Valletti
Interprète : Dominique Jacquot
Mise en scène : Marie-Anne Jamaux & Dominique Jacquot

Un animateur de casino dans une station balnéaire, Monsieur Stéphan, parle et critique ceux qu’il doit présenter lors des soirées : le ventriloque, les antipodistes… avec qui il travaille. Il évoque aussi son rapport à la création, la peinture, le cinéma, la musique, l’écriture… Il a toujours un manuscrit inachevé dont la multitude de feuilles volantes est posée sur un piano. L’envol de toutes ces feuilles sera un très beau moment esthétique. Sa création inachevée s’envole dans les airs comme pourraient le faire tous les projets à réaliser chargés d’espoir avant de retomber sur le sol tel un tapis de regrets.

Les souvenirs se mêlent à ses inventions. Il recrée l’histoire d’un chien, d’une relation amoureuse du ventriloque, de l’origine des antipodistes (Australiens. Venus des antipodes ?)… Où se situe la frontière entre la réalité et la fiction. Mais n’est-ce pas justement cela la création ?

C’est un très beau monologue sur le temps qui passe, les relations professionnelles dans le monde du spectacle, les espoirs et les impasses de la création.

Dominique Jacquot, qui a participé à la mise en scène, incarne parfaitement le personnage confronté à ses échecs. Pour Serge Valletti, « A l’heure où la réussite sociale et matérielle devient le seul modèle qu’on nous présente, il nous paraît urgent de rappeler que l’être humain est aussi fait de ses faiblesses, de ses contradictions et de ses échecs. » !

Site de la compagnie : www.estouest-theatre.fr



Trop conne, trop conne de Lisa Chevallier
Interprète : Lisa Chevallier
Mise en scène : Jonathan Pujol

Le « seule en scène » est toujours un exercice difficile. Lisa Chevallier y met une grande énergie, beaucoup d’humour et un rythme d’enfer.
Elle réussit le tour de force de faire rire le public varié qui vient la voir grâce aux différentes phases de son spectacle basé sur beaucoup d’autodérision et de critiques humoristiques des fonctionnements humains, notamment de la séduction, et des dysfonctionnements de la société comme par exemple les relations avec les administrations qui désormais se font par répondeur téléphonique.
 L’utilisation de chansons pour illustrer tous les temps d’attente auxquels nous sommes confrontés est très drôle.

Lisa Chevallier nous offre un moment de détente très agréable. Elle sera à suivre dans l’évolution de son parcours artistique car elle présente de grandes qualités de comédienne pour faire ressentir des émotions.

Site de la compagnie : http://compagniedelarmoise



Retour
Sommaire
Une loge
pour le strapontin





Site du Festival OFF :
www.avignonleoff.com


Cliquer sur chaque photo pour voir la page du spectacle






Chili 1973
de
Hugues Reinert

Compagnie L'Escabelle














Gibraltar
de Guy Giroud

Compagnie
Marbayassa











J'entrerai
dans ton silence

de Hugo Horiot
et Françoise Lefèvre


Théâtre du Balcon


















Possession
de Violaine Fimbel

Compagnie Yôkaï








Au bout du comptoir,
la mer !

deSerge Valletti

Est Ouest Théâtre







Compagnie de l'Armoise